Synthèse thématique – CFP 2013 

Biologie – Psychopathologie – Recherche (1/6)

 
A quoi rêvent les cerveaux numériques ? À des moutons électriques ? 
Du chasseur-cueilleur du paléolithique au cerveau numérique du « Human Brain Project » les
différentes présentations de ce 5ème Congrès Français de Psychiatrie ouvrent des horizons aussi larges qu’inattendus sur l’état de la recherche en psychiatrie. Mais curieusement, au moment où le virtuel semble prêt à envahir notre réalité, l’ombre de l’animal semble plus présente que jamais derrière l’homme.

Points forts 

– La dépression pourrait être le résultat d’un processus adaptatif sélectionné par notre évolution et qui aurait perdu son utilité dans le monde actuel.

– La réalité virtuelle pourrait permettre paradoxalement d’approcher au mieux la complexité des interactions sociales dans le monde réel.

– Le fonctionnement du cerveau humain est-il au-delà de ses propres capacités d'analyse ? 

La maladie du siècle, un produit de l’âge de pierre ?

Selon les théories évolutionnistes le fonctionnement actuel de l’homme est encore conditionné par les centaines de milliers d’années durant lesquelles il a évolué dans un milieu naturel qui n’a plus rien à voir avec celui dans lequel nous vivons maintenant. Certains processus adaptatifs sélectionnés par notre évolution, mais devenus inadaptés dans notre société, pourraient ainsi être impliqués dans des maladies comme la dépression (R8). Si l’homme moderne n’est pas fondamentalement différent de celui de l’âge de pierre, il ne se différencie pas non plus radicalement de l’animal. Cette proximité permet d’utiliser des modèles animaux pour mieux appréhender le fonctionnement du cerveau humain (S9C) ou des pathologies comme les addictions (S9A) ou les TOC (S9B). Si ces modèles peuvent sembler loin de rendre compte de la complexité du comportement humain, leur efficacité est aussi l’occasion de s’interroger sur l’étrange  similitude à travers le monde animal de certains mécanismes. L'ocytocine illustre bien ce phénomène. Cette hormone, dont la composition chimique est la même chez tous les mammifères, est connue aujourd’hui pour son rôle, chez l'homme comme chez l'animal, dans le développement des relations d’attachement, et en particulier des relations entre une mère et sa progéniture (S7A). Les modèles animaux offrent donc ici une opportunité rare de mieux comprendre les mécanismes de ces relations si importantes pour le développement précoce de l’homme (S7A) mais aussi son comportement à l’adolescence (S7C) ou à l’âge adulte (S7B).
 
L’homme, un animal de compagnie ?
Si l’homme est un animal, c’est avant tout un animal social. Une conséquence étonnante de ce fait est l’influence que peuvent avoir les éléments sociaux sur ses performances cognitives. Il a été montré par exemple, chez l’homme comme chez le singe, que la simple présence de congénères modifiait les performances attentionnelles d’un sujet. Les stéréotypes sociaux influencent également les performances cognitives des personnes concernées et participeraient ainsi au maintien artificiel de certaines différences (C2). Cette complexité des interactions humaines rend nécessaire l’invention de nouvelles méthodes d’évaluation de la cognition sociale. Les techniques de réalité virtuelle pourraient permettre d’approcher cette complexité du réel, tout en respectant les exigences de réplicabilité et de standardisation propres à la recherche (S23A). Ces techniques peuvent également être utilisées dans une optique de remédiation cognitive de patients schizophrènes en construisant des environnements mettant en jeu toutes les composantes d'une interaction sociale réelle (S23C). Des anomalies de la cognition sociale avec d’autres troubles cognitifs pourraient par ailleurs constituer des biomarqueurs du risque de transition vers la psychose des sujets à risque (S14A). La prédiction de cette transition, difficile à évaluer par la seule clinique, pourrait également bénéficier des données de l’imagerie (S14C).
 
À cerveau numérique, intelligence
virtuelle ?

La démonstration de l'existence d'une neurogenèse dans le cerveau adulte est relativement récente. Si ce phénomène, particulièrement impliqué dans les émotions et la mémoire, peut être en cause dans différentes pathologies, on peut espérer aussi qu’il devienne un jour le support de nouveaux traitements (C1). Cette neurogenèse secondaire, présente d’ailleurs chez tous les mammifères, participe à la plasticité du cerveau et rajoute une part de complexité à son fonctionnement. Ainsi, au fur et à mesure que les données des neurosciences s’accumulent, leur interprétation semble échapper de plus en plus à nos capacités d’analyse et d’intégration. Le « Human Brain Project », l'un des deux programmes phares de recherche de l’UE pour la décennie à venir, a pour but de simuler par ordinateur le fonctionnement d’un cerveau humain complet (C4). Mais ce projet, en laissant à des supercalculateurs le soin d’analyser nos gigantesques bases de données et d’en tirer leurs propres modèles, semble participer à cette tendance actuelle à faire, par défiance de la théorie, une confiance excessive à l’évaluation et la mesure (S15C). Pourtant, la fabrication des faits, y compris dans les sciences dures ou l’ « Evidence-Based-Medecine », paraît s’inscrire dans un espace de pensée délimité par des contraintes multiples (méthodologiques, technologiques, administratives, éthiques..) tout à fait extérieures à son objet (S15A) et non dénuées de corrélats économiques (S15B).

Editeur : CARCO – 6, cité Paradis – 75010 PARIS
Tél. 01 55 43 18 18
Directeur de la publication
François Chary
Rédacteur en chef
Luc Mallet
Rédacteurs en chef adjoints
Aude van Effenterre – Christophe Recasens
Comité de rédaction
Olivier Andlauer, Anne-Hélène Clair, Alain Dervaux, Margot Morgiève, Brigitte Ouhayoun, Christian Spadone, Christian Trichard   
Coordination scientifique pour le Congrès Français de Psychiatrie
 Nathalie Isabelle 
Secrétariat technique et scientifique du congrès . CARCO . 6 cité Paradis 75010 Paris, France
T + 33 (1) 55 43 18 18 . F + 33 1 55 43 18 19 . [email protected]