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(Session : FA15 SFPO (Société Française de Psycho-Oncologie)
Président de session S. DAUCHY )

FA15 • Innovations en cancérologie : quel impact psychique ?
Président : Sarah DAUCHY – Villejuif

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FA15A – Démarches en oncogénétique et vulnérabilité psychique

Isabelle PIOLLET – Avignon
>FA15B – Impact psychologique des nouvelles techniques de préservation de la fertilité chez les enfants et les adolescents traités pour cancer

Stéphanie HAOUY – Montpellier / Laurent LEMAITRE – Montpellier

>FA15C – Thérapies ciblées en cancérologie : progrès thérapeutiques et enjeux psychiques
Sarah DAUCHY – Villejuif


Le conseil génétique en oncologie est en plein développement, du fait des progrès importants de cette nouvelle discipline qu’est l’oncogénétique. Les psychiatres doivent tenir leur place dans ce dispositif de conseil, aussi bien en amont de la décision de caractérisation génétique, qu’en aval de la délivrance du résultat au patient.

La démarche de conseil oncogénétique est complexe et longue. S’adressant le plus souvent à des personnes en bonne santé au moment de la consultation, elle comporte une enquête génétique avec réalisation de l’arbre généalogique, une information préalable au test sur ses enjeux – conduisant le sujet à confirmer explicitement s’il souhaite ou non le pratiquer -, la réalisation du test biologique, la communication des résultats du test, l’information sur les mesures thérapeutiques que les résultats conduisent à proposer.

Évaluer l’impact familial

Les réactions psychiques aux résultats du test sont diverses. Elles restent souvent dans le cadre d’une réactivité normale (anxiété, sentiment de vulnérabilité, de culpabilité, ressentiment, détresse), ne se prolongeant pas au-delà de quelques semaines. Mais parfois elles prennent la forme de perturbations marquées et durables, ou de réactions psychopathologiques spécifiques, comme des épisodes dépressifs majeurs ou des épisodes psychotiques, qu’il convient de prendre en charge. Il importe d’évaluer une éventuelle vulnérabilité psychique antérieure à la réalisation du test, ce qui nécessite un travail multidisciplinaire : psychologique, oncologique, onco-génétique, avis chirurgical…

Par ailleurs, la personne qui demande conseil n’est pas isolée, elle s’insère au sein d’un système familial : l’histoire de la famille (ou la représentation qu’en ont les différents membres) influent sur la perception de la situation, et en retour, le résultat de l’analyse oncogénétique d’un membre de la famille influe sur la dynamique familiale. Cet impact familial doit donc également être pris en compte.

La place de la consultation psychiatrique

En pratique, elle peut varier selon les situations : la consultation peut être ou non systématique, elle peut précéder ou suivre le test et l’annonce de son résultat, elle peut accompagner la décision de geste chirurgical préventif, elle peut viser à faciliter une prise en charge conjugale ou familiale. La durée du suivi psychiatrique nécessaire peut parfois se compter en décennies, le statut de sujet “à risque” n’ayant pas toujours de terme prévisible, et le moment d’éventuelles décompensations ne pouvant être déterminé à l’avance. Le souhait du patient, et les moyens disponibles des équipes psychiatriques, conditionnent les modalités de ce suivi prolongé.

Les mesures thérapeutiques mises en œuvre par les oncologues peuvent également entraîner des difficultés psychiques qu’il faut pouvoir prendre en charge : par exemple, les mastectomies bilatérales préventives diminuent certes l’anxiété par rapport au risque de cancer, mais peuvent s’accompagner de troubles de l’image de soi, de troubles sexuels, de troubles relationnels…

Des enjeux éthiques

Pour des impératifs éthiques, seuls des réseaux structurés et identifiés peuvent être autorisés à délivrer un conseil oncogénétique, dans un cadre légal très strict. L’information aux apparentés génétiques doit également être encadrée par des modalités selon un protocole défini, prenant en compte la possibilité de conflit éthique entre d’une part la liberté individuelle de la personne et son droit de ne pas vouloir informer (inquiéter ?) ses apparentés potentiellement atteints, et d’autre part le droit des apparentés de disposer de l’ensemble des informations qui leur permettront de faire un choix thérapeutique.

D’autres questionnements éthiques ne manqueront pas d’apparaître avec le développement rapide des techniques d’évaluation génétique prédictive de la vulnérabilité aux maladies somatiques graves : que faire par exemple des possibilités de dépistages multiples sur le génome à partir d’un seul échantillon, et de la découverte d’autres vulnérabilités génétiques, indépendantes de l’anomalie ayant donné lieu à la demande ? Comment accompagner psychiquement les personnes qui, dans un avenir proche et en grand nombre, voudront à tout prix connaître toutes leurs vulnérabilités, puisque cette connaissance sera accessible facilement et à un coût modeste ?

De plus, les nouvelles thérapies ciblées ont pour effet de rendre incertaines les frontières entre thérapie curative et thérapie palliative, et de rendre de plus en plus difficile l’établissement d’un pronostic évolutif et d’un pronostic vital : cela influe bien entendu sur les enjeux du diagnostic génétique. Par ailleurs, si les tests sont de moins en moins coûteux, les thérapies spécifiques restent d’un coût très élevé, et ne pourront être administrées à tous : elles devront probablement être réservées aux patients les plus susceptibles d’en bénéficier (patients plus jeunes, sans comorbidités majeures…).

Ainsi, les enjeux psychiques des connaissances en oncogénétique apparaissent majeurs. Pourtant, les psychiatres restent mal à l’aise avec des enjeux éthiques pour lesquels ils se sentent mal formés et mal informés, et dont ils ne maîtrisent pas les déterminants, laissés à la compétence des oncologues. La médecine prédictive, qui délivre une information sur la prédiction d’un risque, est à cet égard un défi majeur.