Le congrès en bref : Psychiatrie et Société

Le développement des dispositifs de e-santé mentale va bouleverser de manière majeure ce que nous savons ou ce que nous croyons savoir sur les troubles mentaux et leurs modalités de prise en charge. Les évaluations écologiques instantanées sur smartphone permettent d’avoir accès à des informations cliniques inédites rapportées en temps réel dans l’environnement naturel du patient et de développer des modèles d’apprentissage automatique prédictifs (machine learning). Dans le cas des idéations suicidaires, l’appétit et le sommeil semblent être les variables les plus informatives pour prédire l’émergence de nouvelles idées de suicide et permettre une intervention rapide (S19).

L’utilisation d’internet peut faciliter l’accessibilité, l’adhésion et l’observance aux soins à un coût modéré cependant la qualité des sites est très variable (R14). Dans le cas des addictions, neuf consommateurs problématiques de cannabis sur dix n’ont aucun contact avec le système de santé, aussi, les dispositifs internet personnalisés et interactifs sont particulièrement pertinents et efficaces pour réduire leur consommation (FA23).

La e-santé permet de transmettre de grandes quantités de données dématérialisées et stockées dans d’énormes bases de données (big data) ce qui met en tension des enjeux économiques, techniques et éthiques. Certains s’inquiètent d’une évolution des rapports consuméristes entre soignants et soignés qui deviendraient des individus hyperinformés-ultra-connectés choisissant leur médecin sur healthadvisor et leur hôpital sur hospibooking.com (FA23).

L’Association Française Fédérative des Étudiants en Psychiatrie (AFFEP) a réalisé un état des lieux sur les pratiques et les besoins des internes en psychiatrie concernant l’«e-psychiatrie ». L’enquête met notamment en avant les risques d’épuisement au travail engendrés par l’hyper-accessibilité des données médicales (S29).

Les experts – Rennes, Genève, Paris –

La télépsychiatrie reste rare dans le champ des consultations d’expertise médico-judiciaire bien qu’elle permette une évaluation fiable. Elle nécessite un haut niveau d’organisation humaine et de sécurité, le financement du tiers technologique et la modernisation des règlementations sur les plans législatif, financier et médico-légal (D04).

L’étude des motifs de mainlevées des soins psychiatriques sans consentement met en lumière un défaut de motivation des certificats médicaux : il semble donc important que les médecins adaptent leur rédaction aux exigences et aux attentes juridiques (D11).

Les enjeux de l’expertise psychiatrique sont également présents dans les Unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) qui accueillent des personnes incarcérées souffrant de troubles psychiatriques. La chute du taux d’irresponsabilité pénale fait craindre le risque de voir ces structures hybrides -entre peine et soin- instrumentalisées en « hôpital-prison », justifiant l’incarcération de personnes souffrant de pathologies psychiatriques (S13).

Le DSM est-il utile en Afrique ?

En Afrique subsaharienne, les déficit de ressources (moins de 1 % des ressources sanitaires disponibles à la santé mentale) et en droit des personnes souffrant de troubles psychiques sont considérables. Ces dernières sont décrites comme vivant souvent une condition pré-pinélienne d’enchaînement et d’enfermement sans contrôle. Une initiative locale a permis de mettre en place une offre de soin psychiatrique pérenne et efficiente (R15).

Les tableaux sémiologiques observés de nos jours en Afrique se rapprochent pour certains des premières descriptions cliniques de Farlet et de Kraepelin, ils se questionnent alors sur la pertinence de l’utilisation du DSM comme support d’enseignement de la psychiatrie sur le continent. Ils ont donc mis en place une formation reposant sur un guide clinique et thérapeutique simplifié (basé sur des grandes entités syndromiques et des molécules peu coûteuses) exposé de manière protocolisée afin de permettre une assimilation rapide par les agents de santé communautaire locaux (FA28).

Les usagers ont-ils vraiment le pouvoir ?

L’introduction de nouveaux outils organisationnels entraine une évolution des liens entre professionnels, patients et familles. Reste à définir comment s’adapter à ces changements et articuler de nouvelles compétences pour avancer ensemble (FA23). Depuis 10 ans, les Conseils Locaux de Santé Mentale (CLSM) sont des lieux de coordination et de concertation qui se basent sur les spécificités du territoire de proximité pour élaborer avec l’ensemble des parties prenantes une politique locale de santé mentale (élus locaux, représentants d’usagers et d’aidants et psychiatrie publique). Ils constituent des outils opérationnels de démocratie participative et s’articulent désormais avec le projet territorial de santé mentale (PTSM) (FA25).

Il est nécessaire de proposer des formations aux usagers afin qu’ils puissent être véritablement des acteurs d’une démocratie sanitaire. Quant aux médiateurs de santé-pairs, leur intégration dans le système de santé est souhaitable mais pas dans l’équipe soignante afin d’éviter qu’ils ne soient considérés comme des ersatz de soignants (D06).

Le modèle proposé par la médecine fondée sur les valeurs (Values-based medicine) vise à restaurer un équilibre entre les données scientifiques, ayant une valeur générale, et la singularité des situations afin de promouvoir un processus de décision médicale partagée. Dans ce paradigme, le comment de la décision importe autant que la décision retenue (R07).
 
L’innovation en psychiatrie se déploie ainsi sous des aspects technologiques, cliniques, légaux, organisationnels et sociétaux ouvrant le débat : de quelles vraies inventions notre psychiatrie a-t-elle besoin ?
 (D09).