Retour CFP 2016
FA 25 : Les conseils locaux de Santé Mentale : une innovation internationale ?
Président : Jean-Luc Roelandt
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FA 25A : Le rôle du CLSM dans le nouveau paysage de la santé mentale
Pauline Guezennec – Hellemes
>FA25B : Le CLSM, pivot pour un projet de secteur inscrit dans le territoire.
Philippe Raynaud de Prigny – Thuir
>FA 25C : Usager de la psychiatrie, citoyen et membre d’un CLSM c’est possible.
Dominique Laurent- Perpignan

Espaces de concertation entre élus locaux, partenaires de la psychiatrie, représentants des usagers et travailleurs sociaux, les Conseils Locaux de Santé Mentale (CLSM) créent les conditions pour franchir un nouveau cap dans les pratiques ambulatoires, la prévention des hospitalisations, et la lutte contre la précarisation liée la souffrance psycho-sociale, ou quand le législateur reconnaît les spécificités de la pathologie mentale et demande aux psychiatres de participer au décloisonnement des professionnels.

Si l’histoire des conseils de santé mentale de secteur débute en 1974, les conseils locaux n’apparaissent dans les plans de Santé Mentale qu’à partir de 2001 et surtout en 2005 avec une incitation à leurs créations à l’échelle des secteurs sanitaires. Le législateur manifeste alors son souci de reconnaître les spécificités de la santé mentale, de contribuer à une information plus claire auprès de professionnels particulièrement impliqués dans le repérage et l’orientation vers des soins. Il veut aussi réfléchir au processus de déstigmatisation de la pathologie mentale et des soins psychiatriques et à la lutte contre les inégalités territoriales en matière d’accès ou soins. La DIV, la CGET soutiennent ces créations, le CCOMS jouant un rôle d’accompagnement aux projets de création et auprès des coordinateurs. Il y a aujourd’hui 160 CLSM en France, incluant plus de mille communes.

Elus, soignants, usagers, acteurs sociaux réunis pour affronter les situations complexes

Un CLSM repose sur un triptyque de base avec les représentants des élus locaux, les partenaires du soin psychiatrique et les représentants d’usagers. Le créer n’est pas très difficile, le faire vivre et durer l’est un peu plus. La représentation des usagers n’est pas encore facile à mettre en œuvre partout et seulement 64 % des CLSM ont un représentant d’usager dans le comité de pilotage. Il est difficile de trouver des personnes pouvant s’impliquer suffisamment et durablement, mais il existe encore parfois une réticence ou une ambivalence des élus, voire des représentants des soins, à leur participation.

Les principaux axes de travail auxquels se consacrent les CSLM sont l’étude des situations complexes, l’accès aux soins pour les personnes précarisées, la question du logement et l’information à destination du public passant notamment par les ateliers santé existant déjà dans le cadre de la politique de la ville. D’autres actions peuvent être envisagées dessinant le style propre de chaque conseil et son évolution au gré des idées, des acteurs impliqués, des volontés politiques, des envies de décloisonner, de s’adapter aux réalités de chaque “terrain”.

Des préoccupations sécuritaires des élus à leur éducation à la santé mentale

Au pied du Mont Canigou, dans la vallée de la Têt, un maire souhaitait qu’un psychiatre participe à des “réunions de sécurité”. Notre confrère, le Dr P. Raynaud, confronté sur son secteur à un nombre élevé d’hospitalisations sous contrainte décide de s’impliquer pour infléchir la tendance sécuritaire qui infiltrait alors la considération du soin psychiatrique. Conscient que le virage ambulatoire tant désiré dans notre pays n’avait pas trouvé les moyens ou n’avait pas pour d’autres raisons été jusqu’au terme de ses ambitions, il choisit via la construction d’un CLSM de participer à la réduction des hospitalisations sous contrainte autant qu’à l’éducation des élus et des représentants de l’ordre public aux questions de santé mentale. Une fois précisées les façons de travailler dans le respect du secret et la nécessité de savoir malgré tout partager un certain niveau d’information pour aborder des situations particulières, l’outil de concertation entre professionnels de santé et acteurs du travail social s’avère rapidement performant quand il est animé avec cette détermination d’agir en prévention, en coopération, en concertation. Le nombre des hospitalisations sous contrainte a rapidement diminué, les regards sur la maladie et le handicap psychique ont évolué, les populations fragilisées sont moins stigmatisées. En quelques années le CLSM a fait la preuve de son intérêt et de son importance pour atteindre ces objectifs, confirmant l’importance pour les psychiatres d’aller au contact de tous les partenaires, sociaux, associatifs, politiques, pour participer à la démocratie sanitaire ouverte aux acteurs de terrain.

Du GEM au CLSM, une santé mentale où les usagers sont impliqués, pas seulement concernés

Dans sa région où brille historiquement l’or et le sang catalans, Dominique Laurent préside aux destinées de la Maison bleue, Groupe d’Entraide Mutuelle (GEM) qu’elle anime avec entrain autour d’une pléiade d’activités et de pratiques conviviales dans une bonne humeur dont les effets doivent rivaliser avec certaines prescriptions médicales. Sa participation au CLSM local en fait un acteur important des pratiques collaboratives et son témoignage nous invite à poursuivre nos efforts pour développer ces lieux et ces instances en y associant le plus possible les usagers et familles d’usagers.

Au dernier jour de ce congrès, participer à ce forum et repartir avec cette présentation enjouée était la meilleure façon de nous renvoyer à nos pratiques avec le sentiment d’évolutions intéressantes en cours dans les pratiques sociales autour des troubles psychiques. Il ne tient qu’à nous d’en poursuivre le mouvement en sortant de nos institutions, en allant à la rencontre de ceux dont nous déplorons parfois le manque d’à propos, de réalisme, de compréhension des dimensions psychopathologiques. Mais avons-nous toujours fait l’effort d’aller parler régulièrement avec les partenaires de la vie dans la cité (milieu associatif), de l’insertion et de la réhabilitation sociale (bailleurs sociaux, EDS, PLIE) de l’intervention par la contrainte (forces de l’ordre) et avec les élus ?