Session : Etats Généraux de la Déficience Intellectuelle (Première partie), 11-12 janvier, Maison de l’Unesco, Paris.

Points forts
– L’évaluation du trouble du développement de l’intelligence est une étape essentielle qui ne se limite pas à une mesure psychométrique
– L’exploration à visée étiologique doit concerner toutes les formes et les degrés de déficience
– la connaissance de spécificités syndromiques est importante pour ajuster les prises en charge

Le 11 et 12 janvier se tenaient à l’UNESCO les états généraux de la déficience intellectuelle, évènement d’une importance majeure, à la mesure de l’incidence du problème du point de vue de la santé publique et des questions de société qu’il soulève.

Aucun rassemblement de toutes les professions et associations concernées ne s’était produit depuis des décennies, un contraste saisissant avec ce qui se passe du côté des troubles du spectre autistique alors que les problématiques sont en grande partie communes. Une expertise collective de l’INSERM est parue en 2016 rassemblant les connaissance en matière de repérage, de diagnostic, d’apprentissage et d’accompagnement tout au long de la vie des personnes déficientes.

“Être unique, tout le monde peut le faire”*

Un million de personnes sont touchées en France et plusieurs millions de parents et d’aidants sont en lien quotidien avec ces enfants, adultes, personnes âgées aussi, atteints d’un “trouble du développement de l’intelligence”  (TDI), terminologie nouvelle qui pourrait succéder aux notions de retard mental et de déficience intellectuelle utilisées jusqu’ici. Il y a selon V. Desportes, neuropédiatre et animateur national de la filière DéfiScience, une cohérence à situer le TDI dans la catégorie des troubles neurodéveloppementaux aux côtés des TSA et des troubles dys et à ne pas mettre l’accent sur la seule dimension déficitaire. S’il y a bien des degrés de sévérité  variables des retards et une certaine homogénéité dans l’atteinte des fonctions intellectuelles, la lecture strictement psychométrique est considérée comme insuffisante, reflétant imparfaitement les problématiques auxquelles seront confrontées les personnes déficientes et les aidants.

“Je suis intelligent parce que je suis bien dans ma peau”*

La question de l’évaluation est essentielle pour le repérage, la mesure de la sévérité, l’orientation et la prise en charge des enfants. Un groupe de travail dédié à l’identification des outils et à l’appréciation de leur intérêt a contribué à la partie du rapport d’expertise consacrée aux moyens et aux finalités de l’évaluation. Il en ressort une nécessité impérieuse de formation des psychologues au choix  et au maniement éclairé des tests en fonction de l’âge, du contexte et des objectifs. On ne mesure pas seulement le QI, on mesure les capacités adaptatives (Vineland II), les compétences socio-émotionnelles, les capacités langagières, les troubles psychopathologiques associés, etc. S’il y a un sens à soumettre ainsi enfants et parents à de telles “batteries” de tests ou de questionnaires, c’est parce que l’absence de certaines évaluations pourrait être préjudiciable aux  intéressés. Si la mesure du QI donne des indications importantes dans plusieurs domaines du fonctionnement cognitif, elle ne donne pas directement accès à certains troubles spécifiques associés, du langage par exemple ou du fonctionnement psycho-affectif. Or il existe un risque que les manifestations associées soient masquées dans l’attention portée au déficit global.

“C’est dur de se comprendre, surtout quand on est deux”*

ou

“On a la même inégalité tous les deux” *

Évaluer n’est pas seulement chercher à savoir ce qui ne va pas mais aussi pourquoi ça ne va pas.  La recherche d’une étiologie de la déficience est indispensable même si elle ne conduit pas à une intervention thérapeutique ciblée en fonction de la cause identifiée. Dans la moitié des cas, le bilan étiologique ne retrouve pas de cause précise, dans 1/4 des cas on trouve une anomalie génétique et dans 1/4 des cas une origine acquise. À la multitude des étiologies des TDI correspond une multitude d’expressions cliniques liées à des spécificités des mécanismes physiopathologiques. L’identification progressive de particularités syndromiques comme les troubles visio-spatiaux dans le syndrome de Williams, les troubles de l’alimentation et du comportement dans le syndrome de Prader-Willi, etc, favorisent une compréhension plus fine et une intervention plus ajustée à ces particularités. L’évaluation étiologique n’a donc pas pour seule finalité d’apporter des réponses aux interrogations des parents ou des médecins, de réaliser un conseil génétique ou de mener des actions de prévention, elle peut aider à comprendre certains aspects du fonctionnement de l’enfant.

Les généticiens plaident pour un accès plus homogène aux explorations génétiques sur le territoire national, ils recommandent aussi de ne pas oublier les déficiences légères dans ces démarches de recherche étiologique. Les parents peuvent vivre de façon sensiblement différente la découverte d’une anomalie génétique, certains éprouvent un soulagement important quand on identifie l’origine des troubles et qu’on détermine si l’anomalie est héritable ou accidentelle (apparition de novo). Les fratries sont aussi concernées par ces résultats qui les confrontent à des choix difficiles pour leur descendance. Ainsi cette sœur qui déclare : “Je ne veux pas de dépistage avant la naissance de mes enfants parce que si je décide d’interrompre une grossesse, c’est comme si je n’acceptais pas la pathologie de mon frère, comme si je le tuais “.

(à suivre)