Le vingt et unième siècle semble avoir dépassé l’époque où l’on s’autorisait à subordonner l’importance d’un symptôme d’une maladie aux contraintes d’une psychométrie conforme. Bien sûr, développer des outils diagnostics standardisés est une préoccupation qui demeure en psychiatrie. Les présentations cliniques du CFP 2018 démontrent, en autre, l’intérêt du recours aux nouvelles technologies mobiles. Elles attestent aussi que ces usages sont associés à une réflexion critique.

Le déploiement de technologies innovantes n’a, cependant, pas relégué le facteur humain au second plan, bien au contraire, le souci de la relation thérapeutique traverse l’ensemble des communications. Invitant à prendre en compte des dimensions particulières telles que la douleur, la peur ou la perversion ou figurant l’intrication des mécanismes physiopathologiques et l’interdépendance pronostique dans les cas de comorbidité, la 10e édition du CFP nous apprend qu’il n‘est pas encore advenu le temps où la  décision médicale sera confiée à quelques algorithmes.

Avec l’appui de la journée en recherche de soin infirmier, Nantes défendra la notion d’engagement dans les soins. Et pour finir, nous apprendrons que pour se protéger au mieux de la fatigue professionnelle, il convient, pour les soignants, de passer de la compassion à l’empathie.

Un déploiement raisonné des outils d’évaluation : les leçons du passé.

Il apparaît dans l’histoire de la psychiatrie que le souci de classifier les maladies et développer des méthodes standardisées d’évaluation des troubles, répondant à une fiabilité inter-juge, a pu conduire à la minoration de certains symptômes figurant dans  les descriptions classiques (S08). Dans quels cadres conceptuels les évolutions cliniques et les modalités de recueil de l’information se situent-elles, actuellement (S08) ? Nous assistons au déploiement des nouvelles technologies mobiles reposant essentiellement sur une auto-évaluation continue du sujet. Dépassant le cadre de la recherche, la technologie mobile vise désormais le dépistage et le soin. Des applications mobiles sur smartphone permettent des interventions personnalisées dans la dépression (D01) ou les troubles du comportement alimentaires (S27). Il convient néanmoins de bien délimiter leur place dans la prise de décision médicale et d’exiger la validation de l’efficacité et la sécurité des applications qui se démultiplient (S08).
Comment faire progresser le dépistage du risque suicidaire en 2018 ? En identifiant des sous-populations à haut risque de passage à l’acte  et en passant ces troubles au crible d’une analyse sémiologique fine. Les patients schizophrènes, les troubles du sommeil et la période du péripartum chez les femmes font l’objet d’une telle démarche (FA06). Une autre méthode consiste à proposer des kits de formation au repérage des idées suicidaires chez les patients hospitalisés en milieu médico-chirurgical. Puisqu’il est établi que, chaque année, environ 500 personnes se suicident au décours d’une hospitalisation (FA04).

Un clinicien capable d’embrasser la complexité clinique

L’analyse des comorbidités privilégie désormais la recherche de facteurs physiopathologiques communs (FA14, R04). Elles soulignent également l’interdépendance pronostique des troubles orientant de ce fait les prises en charge (FA14). La douleur dans les troubles psychiatriques : pour mieux la repérer, en appréhender toutes les dimensions et la soulager, rendez-vous à la session (S04).
Parce qu’elles rendent compte de la complexité de certaines situations cliniques certaines descriptions classiques résistent. C’est le cas de l’héboïdophrénie (D15), actuellement assimilée à l’association d’une schizophrénie et d’une personnalité antisociale mais qui perd se faisant, en chemin, quelques éléments clés de la clinique. On assiste également à un regain d’intérêt pour la perversion (D11) dont l’oubli, au profit de la psychopathie, fait l’impasse sur la dimension relationnelle de cette entité clinique. Focus, enfin, sur les manifestations de dissociation observées dans le syndrome de stress post traumatique qui font écho au syndrome dissociatif décrit par Janet (S07).

La relation thérapeutique traverse l’ensemble des communications

Comment redéfinir la place du clinicien au côté des nouveaux outils diagnostiques (D08) ? Comment utiliser le ressort relationnel pour optimiser la prises en charges des perversions ou des personnalités borderline ? (D11, JSIRP3B): la relation thérapeutique reste une préoccupation majeure de cette dixième édition du CFP.
Dans les prises en charge (ô combien délicates !) qui nécessitent de la contention et de l’isolement, on pourra découvrir que c’est la peur qui influence le plus l’adhésion au soin du patient (JSIRP1C). Cette découverte glaçante renforcera notre intérêt pour des pratiques alternatives dans l’accompagnement des personnes présentant un trouble du spectre autistique (JSIRP2C). L’engagement dans le soin se décline selon différentes formes : ici, la création d’une équipe mobile pour pallier le déficit de prise en charge des personnes souffrant de TCA (FA22B). Là : un suivi ambulatoire infirmier non seulement personnalisé, mais, également, personnifié au décours d’un passage à l’acte suicidaire (JSIRP3A). Deux sessions thématiques traitant de l’impact de la relation thérapeutique sur la santé de soignant nous paraissent devoir être mises en regard. L’une (FA14) démontre que la compassion est source de fatigue professionnelle et est potentiellement un vecteur traumatique. L’autre, (S17), nous apprend que l’empathie est un atout thérapeutique et un facteur protecteur du burn-out. Une bonne manière de nous rappeler aux fondamentaux de notre discipline délicate et exigeante basée sur la rencontre entre un soignant formé et une personne malade.