Du choix que l’on fait dans la nomination, la classification et la délimitation des entités diagnostiques, découle une certaine politique du soin et une certaine représentation sociale de la maladie et de celui qui en est affecté. La mutabilité historique des troubles psychiatriques atteste de la difficulté à établir une classification nosologique satisfaisante. La clinique psychiatrique résiste à l’enfermement de symptômes dans des entités discrètes et bien définies. Au cours de ces dernières années, nous avons assisté à la querelle entre les partisans du maintien d’un modèle catégoriel et les partisans d’une approche dimensionnelle. De cette crise a résulté l’éclosion d’une myriade de modèles nosographiques. La 11e édition du CFP reflètera la genèse de ces classifications innovantes des symptômes, éclairant leurs principes respectifs, leurs intérêts, leurs limites, axant, aussi, l’analyse sur la portée de ces nouveaux modèles.

Nous constaterons, néanmoins, à Nice que le modèle catégoriel demeure un repère clé de la recherche clinique actuelle. On le retrouve dans les investigations sur les affinités électives de certains troubles, il est repérable dans les études sur les interactions des pathologies entre elles. L’approche catégorielle se détecte enfin dans les tentatives d’élucidation des diagnostics différentiels à des fins de traitements ciblés. Si la référence catégorielle est désormais considérée comme « vieillissante », les recherches qui s’y réfèrent s’aiguisent et leurs conclusions s’avèrent de plus en plus concrètes et précises. Afin d’apaiser les tensions qui pourraient résulter d’un tel paradoxe, les uns élaborent le concept de « clinique fondamentale », d’autres proposent d’alimenter la réflexion par ce questionnement essentiel : « qu’est-ce qu’une vraie maladie mentale ? », non pas forcément pour y répondre mais, surtout, afin de bien examiner les enjeux qu’il recèle. Enfin, la place des aidants et la transmission restent des préoccupations majeures du volet clinique de la saison 2019. La gestion de la crise et la formation aux compétences relationnelles et communicationnelles sont à l’honneur : programmes, contrôle par les pairs et e-learning seront au rendez-vous.

Point clé 1 : la recherche clinique s’appuie encore beaucoup sur le modèle de classifications classiques des troubles psychiatriques, le CFP 2019 permet d’accéder à une revue critique des modèles émergents.
Point clé 2 : La pédagogie médicale devient une discipline à part entière, s’appuyant entre autre, sur les nouvelles technologies, elle élabore des outils à destination des futurs psychiatres et des différents acteurs de la santé mentale.


Les nouveaux modèles de classification diagnostique : quels principes ? Quels enjeux ?

Le déclin de l’approche catégorielle dans la classification des maladies psychiatriques a laissé place à une profusion d’initiatives et de modèles innovants visant à établir de nouvelles des entités diagnostiques (FA09, D01). Le CFP est l’occasion d’une revue critique de ces approches expérimentales basées sur les dimensions (DSM-5 section III ; Hi-top), les constructs (RDoCs de la NIMH, SyNoPsis de l’école de Berne), les biotypes (BRAIN initiative du NIH), les endophénotypes, ou encore, des propositions mixtes : phénotype et biotype. Loin de se limiter à un inventaire, ces présentations proposent une lecture critique de ces conceptualisations encore peu familières et des enjeux que recèlent de tels remaniements nosographiques.

La conjugaison des troubles est un thème de recherche dominant de la saison 2019.

Abordée sous l’angle temporel, la relation entre le trouble bipolaire et l’usage abusif d’alcool permet d’établir des profils évolutifs distincts de la bipolarité en fonction des séquences d’apparition de l’usage d’alcool (S13). Dans les affinités électives, désormais bien connues, entre insomnie, dépression, et usage abusif de traitements, on piste les mécanismes physiopathologiques communs (FA11, S23) et l’on désigne les troubles de veille/sommeil comme l’un des signes prédictifs des conduites suicidaires (S23). L’analyse des diagnostics différentiels dans les cohortes de personnes atteintes de schizophrénie permet d’établir que les troubles dépressifs, trop souvent confondus avec les signes négatifs de la schizophrénie, sont, dans cette population, sous-diagnostiqués et sous traités (FA23). L’interface, la co-occurrence et les interactions entre trouble bipolaire et trouble de la personnalité borderline ainsi qu’entre TOC et schizophrénie font l’objet de mises au point (FA23). C’est, enfin, en s’engageant sur la piste des comorbidités que l’on aboutit au constat d’un pattern spécifique de personnalités associé au trouble du spectre autistique sans déficience intellectuelle. Ces troubles de personnalité sont identifiés comme des facteurs pronostics déterminants pourtant, jusque-là fort négligés dans les programmes de soin mis en place (S10).

Des formations diversifiées pour un dispositif de soin intégratif et synergique

Intégrer les aidants dans le dispositif de soin et d’accompagnement des personnes atteintes de troubles psychiques est une ambition partagée. Pour autant, sa mise en œuvre ne va pas de soi. Une modélisation de la place des aidants dans la gestion de la crise présentée à Nice (S04) sera l’occasion d’un débat sur les questions aussi délicates que l’évaluation, l’information, le secret médical et le soin sans consentement. Favoriser une synergie entre tous les partenaires du soin et de l’accompagnement passe par la formation de chacun des acteurs. Nous prendrons connaissance de programmes visant à doter les étudiants en médecine de compétences relationnelles et communicationnelles et de la formalisation d’exercices de perfectionnement à la conduite de l’examen à destination des internes (S21). Nous verrons que les nouvelles technologies permettent d’élaborer et de diffuser des outils œuvrant à un transfert de savoir-faire pour les partenaires non spécialistes du trouble mental : e-learning et techniques de simulations servent de support à des enseignements aussi variés que l’annonce de l’arrêt du traitement par les oncologues ou qu’à la gestion d’une situation de crise par un ambulancier ou un policier (FA19). Ainsi la pédagogie médicale s’affirme comme une discipline à part entière. Nul doute qu’elle représente une alliée précieuse à l’effort de destigmatisation de la maladie mentale.