La collection 2017 du CFP dévoilera le palmarès des progrès cliniques et scientifiques d’une psychiatrie aux allures post-modernes. Nous suivrons son parcours au sein d’une nouvelle communauté d’acteurs humains et technologiques toujours plus nombreux aux philosophies, stratégies et intérêts pour le moins pluriels, dont pour certains on connaît la chanson… La psychiatrie saura-t-elle garder son monopole d’intervention ? Étendre les limites de son domaine de juridiction ? Rendez-vous sur les podiums du centre de congrès lyonnais.

Je connais mes limites. C’est pourquoi je vais au-delà, Gainsbourg

Dans une société contemporaine marquée par une soif insatiable de progrès, et une évolution exponentielle vers de nouveaux désirs, besoins et exigences semblant devoir se réaliser toujours plus vite, la prochaine édition du CFP sera l’occasion de se questionner sur les limites de la discipline psychiatrique dans une société qui en semble dépourvue (FA13). Nous assisterons ainsi à des confrontations entre « les tenants du progrès » pour qui ces évolutions technologiques, biologiques, neuroscientifiques… constituent l’horizon de notre temps et « les conservateurs » voyant dans cet essor un danger voire un déclin, en psychiatrie et en philosophie (D12).

On est passé d’une clinique de la non-demande liée à une souffrance psychosociale à une clinique de la demande pressante liée à l’urgence sociale. Ce nouveau paradigme pose le problème des limites du champ de la psychiatrie/santé mentale lorsque les équipes sont confrontées à des enjeux qui dépassent leur domaine d’exercice habituel dans un phénomène de « sanitarisation » des problèmes sociopolitiques (CLO1).

Tout à l’horizontal, nos envies, nos amours, nos héros, Alain Bashung

L’horizontalisation de la relation soignant-soigné est désormais de mise dans le cadre assumé d’un lobbying de « démocratie sanitaire ». Les usagers, représentants d’usagers et familles ont accédé au statut d’ « acteurs du système de soins » et leur avis sont requis. Nous pouvons cependant nous questionner : est-ce pour autant qu’ils sont entendus ? (FA11). Les usagers, familles et professionnels ont-ils les mêmes priorités ? Leurs visions sont-elles complémentaires, concurrentes ou même antinomiques ? (D06).

Je suis d´un autre pays que le vôtre, d´un autre quartier, d´une autre solitude, Léo Ferré

En Afrique, les patients « dépressifs » attribuent souvent une cause externe à leurs maux (mauvais sort, esprit, sorcellerie…). Loin de la douloureuse introspection occidentale, la dépression est donc vécue comme un ensemble de conséquences d’évènements qui échappent à l’individu concerné. La symptomatologie atypique (idées persécutives, pseudo-hallucinations cénesthésiques ou intrapsychiques…) peut piéger les thérapeutes non sensibilisés à la coloration culturelle de ce trouble. Pourtant, si la dimension culturelle impacte fortement l’expression de la souffrance, les acteurs de terrain engagent à s’éloigner de l’approche culturaliste pour pendre en charge ces troubles selon un modèle universaliste (FA22). Ils évoquent simultanément un mouvement d’uniformisation des symptômes dépressifs chez les jeunes africains urbains. L’étude de la sémiologie semble ainsi questionner les rapports de la psychiatrie avec le social dans un monde soumis à la mondialisation et à l’affirmation de l’individu.

J’m’en sortirai, j’me le promets, Et s’il le faut, j’emploierai des moyens légaux, Jean-Jacques Goldman

L’évolution du concept de dangerosité et de son évaluation s’inscrit dans le cadre d’une politique sécuritaire. Comprendre le concept de dangerosité du point de vue légal et connaître les attentes des magistrats sont des éléments nécessaires à l’évaluation clinique (R13). Les subtilités du jeu amoureux, la violence potentielle de la sexualité, l’inexpérience des amants rendent délicates l’évaluation du consentement ou du refus de la personne plaignante et de la perception qu’a pu en avoir (ou pas) celui qui est mis en cause. L’appréciation du consentement, qui revient à l’expert psychiatre, ne semble pas être un critère juridiquement pertinent : ne pouvant être prouvé, il peut facilement être réfuté ou remis en cause (R05). Les soins sous contrainte, en augmentation de 16 % depuis 2012, divisent les psychiatres. Si certains y voient la possibilité d’une continuité des soins et une alternative à « l’enfermement », pour d’autres il s’agit d’une atteinte aux libertés fondamentales de l’individu. Les avantages et inconvénients éthiques, juridiques et médicolégaux de ce programme de soins ambulatoires méritent donc d’être débattus (D10) et la diversité des pratiques et des « cultures locales » dans ce recours explorées (FA24).

Abderhamane, Martin, David, Et si le ciel était vide Alain Souchon

La place des psychiatres et des psychologues dans la prise en charge des victimes d’actes terroristes semble évidente. En revanche, ont-ils réellement un rôle à jouer dans la détection ou la prise en charge des personnes radicalisées ? Les actes terroristes questionnent la nature, les origines et les motivations psychiques du fanatisme religieux qui constitue un défi politique, social et psychiatrique majeur. Ainsi, le fanatisme constitue-t-il un prolongement pathologique de l’orthodoxie religieuse, ou bien la religiosité n’est-elle que prétexte à une pensée radicale et absolue ? Si l’analyse théorique révèle chez le fanatique des traits narcissiques, obsessionnels, paranoïaques, mégalomaniaques et subdélirants, leur complexité et leur hétérogénéité empêchent toute attribution nosographique classique (S22).

Viens m’embrasser, Et je te donnerai, Un frigidaire, Un joli scooter, Un atomixer Boris Vian

Les technologies de e-santé peuvent entraîner des modifications anthropologiques majeures. Elles offrent la possibilité de porter un nouveau regard sur les troubles, au profit d’une lecture contextualisée des processus transnosographiques.

Dans un univers technologique du soin où les dimensions humaines et technologiques sont inexorablement intriquées, une réflexion spécifique sur les objets « le tiers » technologique est nécessaire. Du spectre de la déshumanisation brandi par certains technophobes à la promesse de la santé « sous contrôle » prônée par les technophiles, l’examen des principales caractéristiques phénoménologiques et éthiques d’une technomoralité semble indispensable (S06).

Après avoir ainsi exploré les tensions et les limites de temps, éthiques, financières et autres réalités qui viennent renégocier les frontières du soin et de la recherche en psychiatrie, nous n’oublierons pas nos pop-corn pour regarder la table ronde animée autour de la question : « Peut-on aller mieux en allant au cinéma ? » (CLO2).