Longtemps la médecine s’est couchée de bonne heure, cherchant à la seule lumière du jour, dans l’ici et maintenant des troubles, les causes des maladies qu’elle voulait expliquer et laissant à d’autres le soin d’explorer le passé et les rêves. Et puis les physiciens ont découvert que c’était la matière qui influençait le temps et l’espace et non le contraire, ce que les psychiatres savaient déjà depuis longtemps. Mais si ce dixième Congrès Français de Psychiatrie est placé sous le signe du temps c’est bien parce que réduire le passé à un simple terrain, une vulnérabilité, c’était faire de la maladie un engrenage de mécanismes vides de sens. Contre cette fatalité Nantes nous invite à un voyage qui, de la préhistoire de l’homme à la famille et à ses secrets, du présent inlassablement répété des traumatismes de notre époque à l’intelligence artificielle de demain, nous interroge sur le sens du temps et donc sur celui de la gravité des corps.

C’est en hiver qu’il faut prendre soin de son arbre généalogique

Si les deux hémisphères du cerveau de l’homme sont anatomiquement très semblables, ils n’abritent pourtant pas les mêmes fonctions. Des anomalies dans les mécanismes de cette asymétrie fonctionnelle peuvent-ils alors être en cause dans les maladies mentales (S20A) ? Un auteur comme T. Crow a ainsi intimement lié l’apparition de la schizophrénie à celle du langage en faisant l’hypothèse qu’un défaut dans la mise en place de la dominance hémisphérique gauche pour ce dernier était à l’origine de la maladie. La schizophrénie apparait alors pour lui comme le prix que l’homme paye pour accèder au langage (S20B). Dans les troubles bipolaires l’existence de perturbations des communications interhémisphériques ouvre elle aussi des perspectives intéressantes pour la compréhension de cette maladie mais aussi pour l’étude de la latéralisation du traitement des émotions (S20C). Notons qu’une autre session à Nantes fera le point sur le traitement cérébral normal ou pathologique des émotions en mettant plus particulièrement l’accent sur les boucles fronto-limbiques (S24).

Sans remonter jusqu’aux premiers hommes, les troubles psychiques d’un patient peuvent-ils être la conséquence d’un traumatisme vécu par l’un de ses parents, une voire plusieurs générations auparavant (S01)? L’épigénétique, qui permet d’expliquer comment certains traits peuvent être acquis par un sujet et éventuellement transmis à ses descendants, valide-t’elle pour autant l’existence d’une transmission transgénérationnelle des traumatismes (S01AB)? Et quelle validité présentent les courants de psychothérapies qui proposent des traitements de ces facteurs transgénérationnels, (S01C)? Ces questions, dans un domaine propice à de multiples dérives, sont d’autant plus d’actualité que notre époque est particulièrement riche en traumatismes que nous sommes susceptibles de transmettre à notre descendance. Une session thématique fera ainsi le point sur les premiers enseignements à tirer des attentats parisiens de 2015, que ce soit au niveau des victimes ou de la prise en charge des intervenants impliqués dans la prise en charge de terrain (S11).

La dépression résiste mais le courant passe

Les techniques de neuromodulation commencent à trouver leur place dans les services de psychiatrie. Une session thématique présentera l’intérêt de certaines de ces techniques comme la stimulation du nerf vague (S03C) et la stimulation transcrânienne à courant continu (tDCS) (SO3B) dans la dépression résistante. Si les mécanismes d’action de ces techniques restent mal connus il semble qu’elles puissent comme l’électroconvulsivothérapie (S03A) modifier certaines composantes de l’inflammation, un effet commun qui interroge sur les liens entre inflammation et troubles de l’humeur. L’effet antidépresseur particulier de la stimulation du nerf vague, un nerf composé majoritairement de fibres rapportant l’information émanant du corps vers le système nerveux central, souligne par ailleurs l’influence du corps sur le fonctionnement de cerveau. Un autre exemple de ce phénomène est celui du rôle du microbiote intestinal dans les troubles psychiatriques qui donnera lieu à un débat clinicien-chercheur (D04).

Les liens entre corps et dépression peuvent aussi être explorés par le prisme des comorbidités. Alors que l’épidémiologie peine à confirmer les relations entre dépression et cancer, la dépression apparait par contre comme un facteur de risque important et relativement méconnu de survenue d’accidents coronariens et comme un facteur de mauvais pronostic (FA03C).

L’intelligence artificielle, l’intelligence de demain ?

 La quantité de données produites par la recherche médicale ou les services de santé dépasse actuellement les capacités d’analyse de l’homme et même celles des outils informatiques classiques, ce qui rend nécessaire le développement de moyens nouveaux pour exploiter ces big data. Plusieurs exemples d’application de ces méthodes dans le champ de la psychiatrie seront présentés à Nantes, de l’étude de la prévalence des troubles psychotiques en population générale à partir des bases de données nationales (S15A) à l’utilisation du « machine learning », une branche de l’intelligence artificielle permettant à un système d’apprendre par lui-même comment traiter des données, dans le domaine des hallucinations (FA02B) ou dans celui de la nosographie et de la sémiologie psychiatrique (S28).

Mais l’intelligence, celle d’aujourd’hui comme celle de demain, consiste aussi à ne pas à regarder que devant nous, mais aussi à côté de nous. Saluons donc le programme de la Journée Sciences Infirmières et Recherche Paramédicale qui fait une large place à des problématiques de recherche qui nous concernent tous, et rappelons que l‘entrée à cette journée est ouverte à tous les congressistes !