La thérapeutique psychiatrique en 2015 : approfondir et innover

Longtemps à l’écart des processus rigoureux d’évaluation, les techniques psychothérapiques, en s’y soumettant désormais, ont gagné en crédibilité et donc en diffusion. Elle sont de plus en plus en première ligne des différentes recommandations -même si leur mise en œuvre reste freinée par une disponibilité insuffisante de thérapeutes.

Points forts

  • Les stratégies thérapeutiques dans le champ de la psychiatrie font de plus en plus appel aux nouvelles technologies, qu’il s’agisse de proposer un accès moins couteux aux soins, ou d’en renforcer l’attractivité et la facilité de mise en œuvre pour les patients.
  • En matière de thérapeutiques médicamenteuses, le bon usage est aujourd’hui en tête des préoccupations : l’efficacité des molécules disponibles est moins interrogée que la limitation de leur utilisation et que leur innocuité : « primum non nocere ».
Les thérapeutiques non médicamenteuses gardent la plus belle part durant ce CFP 2015, parmi l’ensemble des communications concernant le domaine des thérapeutiques psychiatriques. Pour preuve, ces deux débats prometteurs, l’un sur les thérapies de pleine conscience, l’autre sur l’amélioration de l’insight des patients schizophrènes.

A méditer

Dans le premier de ces débats (D2) seront abordées les indications de plus en plus large des M.B.C.T. (« mindfulness based cognitive therapy »), à la faveur de la facilité de leur mise en œuvre (environ 8 séances par thérapie), et de la démonstration rigoureuse de leur efficacité. C’est le cas en particulier dans la prévention des rechutes de pathologies stabilisées ; dans la diminution de la symptomatologie dépressive ; dans la diminution de la symptomatologie anxieuse et dans les troubles bipolaires. Les MBCT pourraient agir, entre autres, sur les processus inflammatoires liés au stress, constituant ainsi un lien (trop ?) séduisant entre des pratiques millénaires comme la méditation et les hypothèses étiopathogéniques les plus actuelles des troubles psychiatriques.

Conscience et éducation

Le second débat (D3), tentera d’établir le niveau des justes pratiques quant à l’amélioration de l’insight des patients souffrant de schizophrénie, entre d’une part un bénéfice notable et unanimement admis en terme d’observance thérapeutique et donc de diminution du risque de rechute, et d’autre part le risque dépressif voire suicidaire attaché à cette amélioration de l’insight, beaucoup moins évoqué jusqu’à ce jour. Les techniques de psycho-éducation font partie de ces approches non-médicamenteuses dont le fort développement durant ces dernières années prouve l’intérêt chez les thérapeutes. Définie comme un processus continu d’apprentissage intégré à la démarche de soins, comprenant des activités organisées de sensibilisation, d’information, d’apprentissage, et d’aide psychologique et sociale, la psycho-éducation suppose une démarche active du patient. Dans la schizophrénie (S5), cette technique, prenant en compte les particularités cognitives et émotionnelles de la schizophrénie et la stigmatisation dont elle fait l’objet, a démontré son efficacité.

Favoriser l’accès et le contact

Différentes communications se focaliseront, durant le Congrès, sur l’évaluation de l’efficacité des psychothérapies et les critères de choix de la technique psychothérapique la mieux adapté pour un patient. Ce sera par exemple le cas pour les pathologies dépressives résistantes (S9) ou pour la dépression unipolaire (S19). Cette dernière session présentera en particulier (S19C) le très intéressant programme E-COMPARED, projet de recherche européen visant à évaluer deux modes de prise en charge de la dépression chez l’adulte : la prise en charge classique (face-à-face), et la prise en charge combinée (face-à-face et internet). L’utilisation des ressources offertes par l’internet permet un accès plus aisé et à moindre coût aux thérapies cognitivo-comportementales, qui ont montré leur efficacité mais sont souvent peu accessibles pour les patients du fait d’une offre de soin trop limitée. Un autre champ, transnosographique, d’application des psychothérapies est celui des conduites suicidaires. L’équipe universitaire de Montpellier, dont l’expertise dans ce domaine est très largement reconnue, propose une session de travail (S25) sur ce sujet ; seront décrites les techniques d’acceptation et d’engagement, et les exercices basés sur la psychologie positive qui visent à cultiver et amplifier les états émotionnels et cognitifs positifs (optimisme, gratitude, sens de vie…). Les stratégies multiples de recontact mises en œuvres pour diminuer le risque de récidive suicidaire, et l’évaluation de leur efficacité respective, font l’objet d’une très intéressante session (FA1). Enfin, des approches moins centrales, mais fort utiles pour certains patients, seront évoquées, comme l’art-thérapie (FA20) ou les thérapies corporelles (FA26).

Optimiser les prescriptions

Quoique les psychothérapies soient à l’affiche, les stratégies médicamenteuses ne seront pas oubliées durant ce CFP 2015, concernant par exemple les bénéfices et les risques de l’utilisation des benzodiazépines chez les personnes âgées (S23), l’affinement des stratégies d’usage optimal des anti-psychotiques dans la schizophrénie (S27), l’utilisation d’un agoniste dopaminergique, le pramipexole (disponible sous forme générique), dans les dépressions bipolaires (S32), ou encore le bon usage des hypnotiques dans l’insomnie (FA14).