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Les sels de lithium ont depuis longtemps en psychiatrie une image bien établie : celle d’un outil thérapeutique particulièrement efficace dans un nombre limité d’indication, mais nécessitant une surveillance somatique étroite. Si elle reste en partie vraie, cette vision du lithium mérite d’être actualisée.

Forum des Associations du congrès 2014 :
FA4 AFPBN : Sels de lithium : mythes et réalité
Président : David MISDRAHI – Bordeaux
>FA4A – Inhibition par le lithium de la Glycogen Synthase Kinase- 3 (GSK- 3) : mécanisme possible de l’action thérapeutique du lithium
Denis HERVÉ – Paris

>FA4B – Réalité sur le risque néphrologique de la lithothérapie au long cours
Philippe CHAUVEAU – Bordeaux
>FA4C – Actualité sur le risque suicidaire et les sels de lithium
Philippe COURTET – Montpellier

Le mode d’action des sels de lithium dans les troubles de l’humeur, encore mal connu, a été précisé il y a peu. Ainsi, la capacité du lithium d’inhiber la glycogène synthétase kinase 3 (GSK-3), qui  pourrait être au moins en partie responsable des effets antimaniaques, antidépressifs et thymorégulateur, semble impliquer le système dopaminergique ; cette inhibition serait médiée, aux concentrations thérapeutiques plasmatiques de lithium, par une protéine kinase, l’enzyme Akt. Cette connaissance de mécanismes d’action intracérébrale des sels de lithium pourrait permettre des avancées thérapeutiques, par le développement de molécules possédant une efficacité au moins similaire et une meilleure acceptabilité.

Parmi les effets indésirables les plus gênant du lithium figure le risque néphrologique. L’intervention de Ph. Chauveau (CHU de Bordeaux), a montré que ce risque est parfaitement maitrisable, qu’une surveillance régulière permet de dépister précocement les sujets à risque et d’appliquer les mesures correctives nécessaires, et que ces troubles rénaux n’altèrent pas de façon drastique le rapport bénéfice/risque de la molécule.

Côté bénéfice de la balance, en revanche, l’effet de prévention du passage à l’acte suicidaire est d’une importance majeure, et les récents travaux qu’a présentés Ph Courtet (CHU de Montpellier) sont particulièrement convaincants à cet égard. Le risque suicidaire reste en effet un enjeu essentiel de santé publique, et l’existence d’un trouble mental identifié est le facteur de risque de passage à l’acte de loin le plus important – ce qui incite à mener des actions de prévention dans cette population. Or il est désormais bien établi que le lithium possède des propriétés préventives spécifiques des conduites suicidaires (peut-être par le biais de ses propriétés anti-agressives et anti-impulsives), et ceci indépendamment de son activité thymorégulatrice – qui participe par ailleurs elle aussi à cette réduction du risque. Dans une méta-analyse des effets du lithium (qui prend place dans la série d’articles, au large retentissement, où il présente les méta-analyses et revues de la littérature qu’il a réalisées sur les bénéfices et risques des différents antidépresseurs et psychotropes dans la dépression), A. Cipriani (BMJ, 2013) conclut que le lithium est supérieur au placebo dans la réduction du nombre de décès par suicide et du nombre total de décès, dans les populations de patients bipolaires et unipolaires -l’effet sur les gestes suicidaires étant plus modéré. Il faut rappeler que le bon usage de la lithiothérapie impose un traitement prolongé, et un arrêt très progressif lorsque l’interruption du traitement est nécessaire.

Les recherches portant sur les possibles mécanismes d’action de cet effet préventif du suicide portent sur des aspects neuro-cognitifs (correction par le lithium des anomalies, fréquentes chez les suicidaires, de la prise de décision), mais aussi génétiques, puisque le gène SAT-1 (gène, situé sur le chromosome X, de la spermidine-N-acétyl-transférase, qui régule le métabolisme des polyamines), impliqué dans les conduites suicidaires, pourrait être l’une des cibles moléculaires du lithium, qui en module la transcription.

Thérapeutique ancienne et qui a fait ses preuves en psychiatrie, la lithiothérapie reste un champ d’étude ouvert, pour mieux  préciser ses propriétés thérapeutiques et ses mécanismes d’action, offrant des pistes fructueuses de compréhension de la complexe machinerie cérébrale.