CFP 2019
S17Aidons nos patients à s’aider eux-mêmes !
Président : Coraline HINGRAY – Nancy
S17A
– Comment aider nos patients à bien s’informer sur internet ? Le cas complexe des troubles somatoformes
Pascal CATHÉBRAS – Saint-Etienne
S17B
– Quels outils thérapeutiques de self help conseiller à nos patients ?
Wissam EL HAGE – Tours
S17C
– Les patients pourront-ils se passer de nous ? L’essor de l’intelligence artificielle en e-psychiatrie
Stéphane MOUCHABAC – Paris

La présidente de session, Coraline Hingray a convié le Professeur Pascal Cathébras pour aborder les difficultés diagnostiques dans les troubles somatoformes. Il est l’auteur d’un ouvrage sur les symptômes médicalement inexpliqués. D’emblée il s’agit de remettre la médecine dans une réalité humaine, comme il le dit : « un symptôme sur trois reste sans aucune explication auprès du médecin. ». Voyons d’abord comment les patients se sortent de cette errance diagnostique. Ensuite avec Wissam El Hage, Professeur au CHRU de Tours spécialiste des troubles neurofonctionnels en lien avec le trauma, nous apprendrons quelques outils thérapeutiques à proposer aux patients.

 Comment aider les patients à s’aider eux-mêmes ?

Spécialiste des troubles neuro-fonctionnels, le Professeur Cathébras évoque ce parcours médical dans lequel certains patients, malades somatiques, sont plongés. De fait, ces personnes vont chercher des réponses diagnostiques par tous les moyens. Et cette quête va par là même accentuer le risque d’hypochondrie cybernétique, la « cyberchondrie ». Les plus intraitables iront se noyer de données biomédicales sur le « World Wide Web » pour trouver une aide diagnostic. Et, si les pays anglo-saxons proposent des sites pertinents et de qualité, la France en est moins pourvue. Après ce constat, le Professeur Cathébras souligne l’importance de développer des plateformes d’informations médicales et d’autodiagnostic de qualité. Pour se faire, il propose de les relier à des sites de référence comme celui de l’assurance sociale, Ameli, qui met à disposition des données qualitatives sur la fibromyalgie ou le syndrome de l’intestin irritable, par exemple.

Plongée en eaux troubles

Pris en apnée dans cette profonde incertitude, le patient a besoin d’être rassuré. Et s’il est essentiel de « rendre compte de l’expérience du patient, de normaliser son discours plutôt que de le psychologiser », l’alliance thérapeutique reste chose fragile. D’autant que cette alliance est aux prises avec les mécanismes d’hyperalgésie du fait ajoute-t-il, de l’anxiété, du comportement ou du contexte social.

Jametlene Reskp
Red and white lifebuoy de
Jametlene Reskp.

Le médecin de son côté, en proie au doute de n’avoir pas vu passer l’indice diagnostic, risque de chercher à rassurer, lui, son patient ou tous deux et, prescrire des examens complémentaires. En définitive, ne s’agirait-il pas de singulariser le récit du patient, son vécu plutôt que de le standardiser ?

Les petits ruisseaux font les grandes rivières.

Wissam El Hage, également professeur spécialiste des troubles post-traumatiques et de la dépression résistante, rappelle la grande solitude du patient qui finalement, ne passe que 2 % de son temps auprès de son médecin ou de son thérapeute. Ce professeur fait référence au médecin psychiatre Engel qui évoqua le premier, dans les années 80, l’importance de la dimension bio-psycho-sociale dans le développement d’une maladie. Cela parle du poids de l’environnement et du quotidien sur la vulnérabilité du malade. De plus, remarque-t-il, malgré le retentissement « vie entière » ; il est impossible de mettre un dispositif continu auprès de chaque personne atteinte de pathologie mentale.

Alors, comment rendre autonome ces personnes ?

Après ces différents constats, Wissam El Hage propose d’accorder ou de réaccorder une dimension « Engelienne » à la démarche de soin que le médecin va soumettre à son patient. C’est-à-dire une dimension psycho-sociale qui soit au même niveau d’importance que la biologie. Pour cela, il s’inspire sur la médecine chinoise laquelle s’oriente d’avantage sur des réponses préventives que ne le fait jusqu’à maintenant la médecine occidentale. Voilà pourquoi il propose des outils de médiation qui vont venir solliciter la participation active du patient avec :

  • La bibliographie, une prescription de livre d’inspiration positive ou de témoignages ;
  • Les outils de relaxation comme la cohérence cardiaque du médecin David Servan-Screiber ;
  • L’écriture de trois éléments, expériences ou acquisitions positives de la semaine ;
  • L’implication dans des activités artistiques (relaxantes, valorisantes,…) ou physiques.
Ou à travers des outils de e-santé :
  • La rédaction d’un journal personnel connecté et sécurisé sur le net ;
  • Le e-self-help. Une application de Thérapie Cognitivo-Comportementaliste pour la gestion de l’anxiété et du stress par l’intermédiaire de la psychoéducation (vidéo, musique,…) ;
  • Les forums d’échanges expérienciels.

Pour ces derniers, Wissam El Hage les présente comme étant parfois plus rassurant qu’un médecin. L’idée étant que, « si tu vis la même chose que moi, tu seras plus expert que le médecin. ». Cette donnée est très intéressante, attention toutefois à ce qu’un modérateur, un expert médical garde un œil avisé sur ces échanges.

Dépression et mauvaise alimentation, irritabilité et manque de sommeil ou anxiété et isolement, ces couples qui ont bien trop d’affinité peuvent, grâce aux outils thérapeutiques précités, réengager le patient dans une démarche dynamique et lui permettre ainsi de se voir soulager d’un ou de l’autre membre de ces couples infernaux.