Être là où sont les patients
Dolorès Torres est une psychiatre militante des quartiers nord de Marseille. Elle regrette qu’en France, la culture, le budget et les prises en charges sanitaires et sociales soient séparées. Le modèle médical s’articule mal avec le secteur. Les gens ne savent pas ce qu’est un « CMP », y compris les médecins. Il y a actuellement moins de visites à domicile, plus de consultations dans les murs or les patients les plus difficiles ne se plient pas aux règles et reviennent donc par les urgences et les soins sans consentement. Des initiatives telles que le Groupement de Coopération Sociale ou Médico-Sociale (GCSMS) sont cependant à relever.
Il s’agit de faire un travail d’« aller vers » en permanence pour éviter la rupture des liens. Cela demande beaucoup d’investissement au début pour les équipes mais les patients sont souvent étonnants et montrent des capacités impressionnantes. Pour Dolorès Torres le travail en psychiatrie est par définition mobile. Il nécessite d’aller au domicile des patients, de les rencontrer chez eux, au café, au coin de la rue, d’être là où ils sont. Quand on se déplace, on ne fait pas uniquement un acte médical, on est là pour l’autre.

Des divas pour les patients
Le Dispositif de Vigilance Accrue et de Soin (DIVAS) permet de porter une attention particulière à une cinquantaine de patients (sur une file active de 1200) dans une optique de prévention des rechutes permettant moins de ré-hospitalisations ou des hospitalisations libres.

Il s’agit d’interroger la manière de travailler en psychiatrie. Il y a actuellement beaucoup de turn-over dans les institutions alors que les psychotiques ont besoin de référents, d’une continuité rassurante. Lorsque les assistantes sociales, les infirmières et les psychiatres n’arrêtent plus de défiler, les patients ne s’y retrouvent pas. Il faut alors être disponible, les aider à aménager leur relation au monde, construire des repères avec les patients, leur proposer de les rencontrer à des jours fixes et qu’ils puissent joindre facilement un référent.

Peut-on tordre la réalité ?
Les patients ont souvent les plus grandes difficultés à se faire à manger, faire les courses, le ménage, particulièrement lorsqu’ils sont en crise, or ils n’ont pas les moyens de payer une femme de ménage. En suivant les formations proposées par les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH), les psychiatres peuvent apprendre comment la cotation de certains items peut permettre aux patients souffrant de « handicap psychique » d’avoir des auxiliaires de vie. En cochant les « bonnes cases », avec l’accord du patient, il est donc possible de l’aider considérablement et d’améliorer sa qualité de vie. Cependant, cette manière de remplir le dossier pour aider le patient à survivre construit une personne « incompétente ». On peut alors se questionner sur les impacts socio-familiaux-juridiques d’une telle « torsion de la réalité » alors que les catégories semblent si importantes dans la trajectorisation des patients.

Margot Morgiève, Paris.