CFP 2016, Forum des Associations, le 23/11/2016 à 14h00

Démarches en oncogénétique et vulnérabilité psychique
Isabelle PIOLLET – Avignon
Impact psychologique des nouvelles techniques de préservation de la fertilité chez les enfants et les adolescents traités pour cancer
Laurent LEMAITRE – Montpellier
Thérapies ciblées en cancérologie : progrès thérapeutiques et enjeux psychiques
Sarah DAUCHY – Villejuif

Dans le cadre du Forum des associations, la SFPO (Société française de Psycho-oncologie) met l’accent cette année sur les évolutions des pratiques en oncologie conduisant les patients à vivre des expériences particulières imposant aux psycho-oncologues une réflexion originale face à de nouvelles stratégies d’intervention. Sarah Dauchy, présidente de la SFPO, nous rappelle l’histoire de cette société et son fonctionnement dans ce contexte d’innovations techniques et de questionnements éthiques.

Christophe Recasens : Comment fonctionne la Société Française de Psycho-Oncologie ? Pouvez-vous nous rappeler son histoire et son développement actuel ? Les somaticiens, oncologues, généticiens … viennent ils participer aux travaux, réflexions, sur les enjeux psychiques et éthiques des nouvelles technologies qu’ils utilisent et dont vous allez parler ?

Sarah Dauchy : La SFPO a près de 40 ans d’existence et tiendra cette année son 34ème congrès. Elle est née de la collaboration entre psychiatres, psychologues et équipes d’oncologie. Le conseil d’administration est pluripartite, associant somaticiens et psys, et le congrès de la SFPO s’efforce de réaliser des sessions favorisant les échanges entre les disciplines.

Christophe Recasens : Compte tenu des multiples “défis” évoqués, quels sont les moyens mis en œuvre pour y répondre ? Les psychologues prennent-ils une place croissante dans les services pour accompagner la multitude des équipes, des patients, des familles, traversant des moments particulièrement difficiles, dans un contexte où on sait que ce ne sont pas les psychiatres, trop peu nombreux, qui répondront à ces besoins croissants ?

Sarah Dauchy : Il ya de plus en plus de professionnels formés mais il existe des disparités importantes sur le territoire et des besoins de formations croissants pour que, sans tomber dans l’écueil “adaptatif” de la psychologie de la santé, les interventions auprès des patients soient adaptées aux contextes spécifiques qui les motivent.

Christophe Recasens : Existe-t-il des formations qui préparent médecins, infirmiers, psychologues, à aborder les questions délicates que vous allez soulever ? (Comment penser à préserver sa fertilité quand on va commencer une chimiothérapie dans l’enfance, devoir faire des choix face à des résultats génétiques à valeur prédictive, etc…).

Sarah Dauchy : Un certain nombre de formations existent, sous forme de formation continue (DU de Psychooncologie par exemple) ou pour les somaticiens des formations à la communication et à la relation thérapeutique. Mais c’est dès la formation individuelle qu’il faudrait sensibiliser et former à la prise en compte des enjeux psychiques. La SFPO a formulé sur ce thème des recommandations mais il reste beaucoup à faire pour que la prise en compte de la vie psychique du patient et de l’impact de la maladie et des traitements deviennent partie intégrante du regard des équipes sur les patients.

Christophe Recasens : Comment se passent les choses au niveau international ? La psycho-oncologie a-t-elle une place conséquente dans les congrès d’oncologie ? Des recherches sont elle menées, en France et ailleurs sur des durées suffisamment longues pour tenter de répondre aux questions que vous vous posez sur les retentissements psychiques de ces nouvelles offres de soin ?

Sarah Dauchy :  Il existe une société internationale (IPOS), une fédération des sociétés nationales et un certain nombre de « statements » endossés par les plus grandes sociétés de cancérologie  (type UICC) mais peu suivis en pratique quotidienne (comme la nécessité de dépister la souffrance psychologique de tous les patients, complexe à organiser et qui n’a de sens que si les ressources thérapeutiques suivent). Plusieurs revues publient des recherches de bonne qualité en psycho-oncologie (Psychooncology – Journal of Psychosomatic Research – Journal of Psychosocial Oncology – ou parfois des numéros dédiés comme celui du prestigieux Journal of Clinial Oncology en 2012). Il existe aussi des soutiens à la recherche en PO via des AAP où les questions cliniques de la PO sont parfois prises entre deux feux : jugées trop cliniques pour les AAP SHS (sciences humaines et sociales) universitaires et trop « molles » donc non prioritaires pour les AAP type PHRC en cancérologie.

Christophe Recasens : Pour les psychiatres non spécialisés dans ce cadre de travail, quelle est l’importance de se tenir informé des évolutions des pratiques en cancérologie dans leur pratique quotidienne ?

Sarah Dauchy : Compte-tenu de la fréquence des cancers et de l’allongement des durées de vie des personnes malades, de plus en plus de psychiatres sont amenés à suivre des patients atteints de cancer ou qui ont été traités pour cette maladie. Comprendre les enjeux psychiques des prises en charge est indispensable pour les accompagner correctement, ce d’autant plus que la cancérologie évolue très rapidement et qu’il est important de faire évoluer en parallèle les représentations qu’ont les psychiatres de la maladie et des traitements. Enfin pour les actes de prescription, connaitre les risques d’interactions médicamenteuses comme les tableaux possiblement iatrogènes est aussi indispensable.