S 13 : Inclusion sociale, inclusion scolaire et professionnelle des personnes avec TSA : Quels enjeux ?
Président : Anouk Amestoy – Bordeaux
>Victimisation et harcèlement scolaire dans une population d’enfants et d’adolescents avec TSA.
Résultats d’une étude en Aquitaine
Manuel Bouvard, Andy Paul – Bordeaux
>Etat des lieux de l’inclusion scolaire dans l’enseignement supérieur en France et préconisations pour les jeunes adultes avec TSA
Patrick Chambres – Clermont-Ferrand
>Insertion professionnelle des adultes avec TSA. Enjeux, leviers et témoignages
Josef Schovanec – Paris

Pari réussi pour cette session qui a pris le temps de suivre l’autiste depuis la cour de l’école jusqu’à sa rencontre avec le monde du travail, temps long parce que trop douloureux encore. Des solutions existent mais dépendent peut-être plus de changements de regard et de pratiques sociales que de tentatives de normalisation psychologique ou éducative des façons d’être autiste.

L’école est un lieu où l’on n’apprend pas seulement à apprendre, on y apprend à être ensemble. Il ne suffit pas de laisser les enfants entre eux pour que cela advienne. Plus de 10 % des élèves vivent des expériences très douloureuses qu’on peut qualifier d’agression, de harcèlement, dont le retentissement peut aller jusqu’au suicide. Pour les enfants ayant des difficultés psychologiques ou développementales, le risque augmente, pour les autistes il est multiplié par trois. Dans certains travaux c’est même la majorité des autistes scolarisés qui sont reconnus victimes de comportements inappropriés de la part des pairs.

L’école de la maltraitance

L’étude réalisée dans le Sud de la France et présentée par Andy Paul a confirmé l’importance du phénomène et les préoccupations des parents qui repèrent souvent, mais pas toujours, les souffrances de leur enfant. S’il est évident qu’il faut apporter une aide aux personnes exposées, à risque ou victimes de ces agressions/humiliations répétées, elle ne peut suffire au projet d’inclusion. Une véritable évolution ne sera possible, pour les autistes et autres enfants et adolescents en souffrance, que par la formation/sensibilisation des enseignants, proviseurs, accompagnants éducatifs à la dynamique des groupes et aux phénomènes de stigmatisation des personnes différentes. Des projets sont à encourager dans chaque établissement, les tutorats pour les enfants ayant des besoins spécifiques et les groupes de soutiens par les pairs font partie des outils pour les matérialiser.

Former les enseignants à l’Université

A l’université, le Pr Patrick Chambres travaille depuis des années à améliorer l’accueil et la participation sociale (terme qu’il considère plus juste que celui d’inclusion) des autistes aux études supérieures. Sous-représentés dans les écoles d’ingénieurs, on les retrouve plus à l’Université, dans les disciplines scientifiques comme la physique ou l’informatique mais ils sont en lien avec des enseignants ne connaissant pas les aspects essentiels de la pensée autistique. Dans ses évaluations avant formation Patrick Chambres constate que les professeurs n’ont pour la plupart jamais entendu parler de théorie de l’esprit, de fonctions exécutives ou de cohérence centrale.

Les outils de compréhension qu’il propose pour imaginer des leviers d’action sont avant tout le trouble de la communication, fondamental si l’on ne veut pas se méprendre sur les interactions particulières avec l’étudiant, les difficultés d’intégration sensorielle imposant un aménagement des environnements et une prise en compte de la fatigabilité, le trouble de la cohérence centrale avec ses conséquences sur la capacité à avoir une compréhension contextualisée des informations et enfin les difficultés exécutives entravant la planification et la finalisation des objectifs. Dans le même temps où se déploient ces formations, le dispositif Aspie friendly a été créé pour accompagner des parcours individuels au sein des universités.

Les fruits d’une entreprise réussie

Le monde professionnel a créé des opportunités pour accueillir les autistes. Josef Schovanec a parlé de l’exemple remarquable du groupe Andros qui dépasse largement le cadre spectaculaire et un peu élitiste des recherches d’hypercompétences dans des activités très spécialisées. C’est intéressant de savoir que la Silicon Valley emploie des cerveaux ultra-performants appartenant parfois au spectre de l’autisme, c’est plus impressionnant encore de voir comment une entreprise adapte son organisation à des employés ayant des difficultés sensorielles, cognitives et relationnelles en leur permettant d’exprimer par ailleurs des compétences réelles et une excellente disponibilité.

Cette initiative est porteuse d’un espoir considérable pour les professionnels accompagnant des autistes en institution, redoutant de les voir cantonnés à des activités occupationnelles parce que n’ayant pas l’autonomie suffisante pour aller en ESAT ou en milieu “ordinaire” alors qu’ils ont des compétences et de l’attrait pour des activités structurées, répétitives, qui sont requises dans des contextes professionnels. Ce n’est pas que la perspective d’une vie occupationnelle soit sans valeur, c’est plutôt le sentiment que la réalisation d’activités utiles et valorisées par des responsabilités, des résultats concrets, un salaire, une évolution dans les compétences et des expériences sociales régulières, dessinent un projet de vie qui, peut-être pour des raisons “normotypiques”, parait plus riche et épanouissant pour l’estime de soi.

Pour qu’ils aient le choix, encore faut-il qu’il y ait des opportunités, des solutions intermédiaires entre ne pas travailler et ne travailler que si on est totalement autonome, qu’il y ait des accompagnements réels des employés et des employeurs, et des logiques d’entreprises ouvertes à ces projets. C’est une question de justice sociale, de solidarité, une question d’humanité.