CFP 2013  – Synthèse thématique
Psychiatrie et société (2/6)
Plus Belle la Psychiatrie
Episode 5 – Saison 2013
 
Le Congrès Français de Psychiatrie convoque des personnages qui font frémir toutes nos représentations de violents malades mentaux contagieux, de fous d’ailleurs enchaînés à des arbres, de psychiatres du futur polymorphes et d’autres super-héros du soin alcooliques suicidaires. Est-ce que des figures telles que Diogène ou Hippocrate se périment ou est-ce qu’elles négocient une place dans notre monde et nos programmes de soin modernes où réhabilitation, intuition, éthique, création, neurones et compassion se débattent ?
 
Psychiatres : super-héros ou alcooliques suicidaires ?
Les patients d’aujourd’hui semblent avoir un « droit à la guérison absolue », et les psychiatres le devoir de les guérir. Les maladies chroniques sont désormais des échecs professionnels (S13B) ! Les psychiatres « doivent » aussi être empathiques. Cette recommandation engendre une « usure de compassion », définie par L. Jehel comme l’association d’un trauma vicariant et d’un burn out (S13A).
Des générations de médecins ont étés façonnées par le serment d’Hippocrate, les engageant à incarner les représentations de leurs patients. Leur bonne mine et leur bonne chair faisant foi de leurs bonnes pratiques. Ces « super héros, dévoués entièrement à l’humanité souffrante » ne se soignent pas ou mal et sont exposés au Burn Out, au suicide, à l’alcoolisme. L’APSS (Association pour les Soins aux Soignants) a ainsi une mission de prévention (S13B). L’organisation des soins doit proposer des « éléments de protection nécessaires aux soignants pour être opérante » (S13C).
 
Dangereux malade mental, cherche programme de réhabilitation sérieux.
L’exclusion, le rejet, la peur, les préjugés de violence et de dangerosité des malades mentaux font l’objet de programmes de lutte contre la discrimination. Les malades anticipent et internalisent ces réactions de la société par « l’auto-stigmatisation » et « l’auto-discrimination ». Pour J.-Y. Giordana, il faut traiter ces deux phénomènes en restaurant l’estime et la confiance en soi des malades qui sont des « préalables incontournables à tout programme de réhabilitation psychosociale » (FA15C).
 
 

 

 

 
 
Programme CFP NICE 2013 : Dernière mise à jour disponible
 
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Est-ce que les fous sont plus heureux en Afrique ?
Ailleurs, les patients psychiatriques ne sont pas considérés comme tels. Ils sont habités par des djinns, ont un rapport au divin, un rôle social au sein d’une communauté qui prend en charge leur « folie ». Pour L. Surig, ces représentations ne correspondent pas à la réalité du terrain d’Afrique (FA16B). Loin du paradigme de « santé mentale », C. Bergot rapporte que la folie y est interprétée comme « une faiblesse de caractère, un châtiment causé par des esprits surnaturels, voire même comme un mal dangereux et contagieux ». La situation de ces fous africains fait écho à ceux de notre histoire (FA16B et FA16C). Les auteurs rapportent des scènes de malades enchaînés à des arbres, accaparés par des sectes dans une absence de cadre juridique (FA16A, P92).
 

 

 

Les psychiatres du futur sont des caméléons.
Les psychiatres sont l’objet des mêmes représentations stigmatisantes que leurs patients. D. Sebbane présente une enquête sur le profil identitaire des internes en psychiatrie, leurs prédispositions et facteurs communs. Alors, sont-ils vraiment différents de leurs confrères ? (S19A).
Les futurs psychiatres doivent être des caméléons, capables d’avoir une attitude clinique polymorphe, polyvalente et souple afin de s’adapter à des cadres de soin et des interlocuteurs multiples. La formation publique hospitalière ne permet pas de découvrir la palette des pratiques possibles (S19C). Alors, en début de carrière « Existe-t-il des bons plans à ne pas rater, et des mauvais à surtout éviter ? » O. Andlauer aiguillera les psychiatres du futur (S19B).
 
My intentions are good, I use my intuition – John Lennon.
L’intuition est un « objet scientifique invisible » qui permet au thérapeute de réagir de façon immédiate et efficace à l’imprévu, à ce qui « n’est pas objectif ». D. Kipman réfléchit à l’implication concrète de l’intuition dans l’organisation du soin, à l’élaboration de « classifications cliniques qui tiennent compte de l’implication affective et intellectuelle de l’observateur à l’observation » (FA6B).
Les patients peuvent avoir des intuitions pathologiques dont les mécanismes prennent sens pour certains dans un paradigme de neurones miroirs (FA6A). Une approche philosophique permet de mettre en perspective la place de l’intuition dans les champs de la science, de la psychanalyse, de la thérapeutique (FA6C).
 
Syndrome de Diogène : un bourbier éthique et thérapeutique
La vie concrète des personnes présentant un syndrome de Diogène est bien différente de celle du philosophe Grec. Les critères diagnostiques de ce syndrome ne sont pas consensuels, il n’est pas répertorié dans les classifications internationales. Il entraîne une incurie et un délabrement du logement chez des personnes âgées atteintes de psychoses, de troubles thymiques ou de névroses obsessionnelles (S27A). Un accompagnement psychothérapique des familles est nécessaire de la découverte de ce syndrome jusqu’au décès de leur proche où elles découvrent leur vie pathologique cachée (S27B).
Ce syndrome nous confronte à des questions éthiques et des contradictions entre le Code de la Santé Publique (respect de la volonté du patient, y compris dans le refus de soins ) et le Code Pénal (non-assistance à personne en danger). C. Wong propose des règles de prise en charge, afin que « la réflexion éthique ne soit plus le prétexte à ne rien faire, ou à en faire trop » (S27C).
 
Psychiatres, rendez-vous dans les réseaux sociaux et au clubhouse
Les organisations, financements, modalités de soins et d’accompagnement de santé mentale en France sont marqués par des disparités territoriales (S6B). Le développement moderne de la psychiatrie soulève des questions : comment intégrer dans sa pratique les protocoles de soins complexes, le développement des réseaux sociaux de patients, les centres experts et les surspécialités ? (FA20B).
L’anthropologie médicale clinique permet de saisir comment la dynamique entre un thérapeute et son patient s’inscrit dans un système qui régule l’offre thérapeutique (S26A). Cette offre s’enrichit de nouvelles initiatives comme le « Clubhouse Paris », lieu « non médicalisé, de droit commun, inscrit dans la cité » pour les personnes atteintes de troubles mentaux (S29B). PSYDOM propose une unité de soins psychiatriques médicaux et paramédicaux à domicile comme alternative à l’hospitalisation (P89).
La recherche-action EMILIA promeut une « politique d’entreprise d’inclusion sociale des personnes vivant avec un trouble psychique » ayant pour objectif le retour ou l’accès à l’emploi de ces personnes grâce à des programmes de formation basés sur le modèle des pairs aidants et du job coaching (S29C).
 
Malades mutants et criminologie scientifique
L’étude d’un siècle d’archives de l’UMD (Unité pour Malades Difficiles) Henri Colin permet de saisir le « changement de paradigme du malade dit difficile ». L’ancien patient « antisocial au lourd passé judiciaire et carcéral » est désormais remplacé par le « schizophrène paranoïde, chimiorésistant, présentant des troubles du comportement violents ». Le malade dangereux pour la société est devenu dangereux pour l’institution (P103).
Ces mutations se retrouvent chez les criminels à un niveau mondial : les « stalkers » Anglo-Saxons arrivent ! Soupirants éconduits ou ex-partenaires, ils exercent une nouvelle forme de harcèlement (P84).
L’expertise des psychiatres est désormais réquisitionnée pour « organiser scientifiquement la criminologie », la psychopathologisation des faits judiciaires devient une « caution scientifique à l’enfermement ». Pourtant, cette évaluation ne répond pas aux principes du droit pénal : la peine n’est plus basée sur la culpabilité mais sur la dangerosité supposée (P102).
 
 
 
 
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