Prends ton temps,

Car le temps est subjectif et propre à chacun.

La première expérience en la matière, et également une des plus probante, fut celle réalisée par un homme (Hudson Hoagland) sur sa femme malade. Même si l’idée de vérifier la perception temporelle de l’âme sœur fiévreuse peut sembler absurde, le résultat n’en fut pas moins probant. Ainsi, pendant les périodes de fortes fièvres de son épouse, Hoagland put s’apercevoir que la vitesse de décompte de sa femme augmentait de façon proportionnelle à la température de son corps. Il va ainsi supposer l’existence d’un mécanisme biologique générant des impulsions servant à évaluer les durées et pouvant être influencé par la température du corps. Cette première observation donnera suite à plusieurs travaux qui confirmeront ce constat et montreront que la variation de la température peut faire varier l’appréciation des durées jusqu’à 20 %.

Plus j’ai chaud et plus le temps passe vite ! Mais encore…

Treisman (1963) ira plus loin et sera également un des premiers à poser cette idée sur papier en proposant un modèle du temps de type « oscillateur-calibreur » dans lequel la fréquence de base serait modulée par des stimuli intérieurs ou extérieurs au sujet. Après ce modèles princeps, d’autres verront le jour et mettront en évidence que les déformations de l’estimation temporelle peuvent être liées à des processus attentionnels ou mnésiques, à l’augmentation de la température corporelle ou encore à la prise de substances psychoactives. Notre perception du temps apparait ainsi dépendre de facteurs endogènes comme exogènes.

t=bT+a

Nous voici à la théorie du temps scalaire. Cette théorie reprend les idées de Treisman et part du postulat que la perception temporelle s’appuie sur deux propriétés que sont la propriété d’exactitude relative et la propriété scalaire à proprement parler. La propriété d’exactitude relative correspond au fait que les estimations temporelles (temps subjectif = t) d’un temps réel (temps objectif = T) sont précises de telle sorte que t =bT + a. Dans cette propriété b et a étant les constantes d’une fonction linéaire, il existerait donc une relation linéaire entre le temps objectif et le temps. La seconde propriété fait référence à la loi de Weber. Selon cette propriété, la variabilité du temps subjectif augmente de manière proportionnelle avec la moyenne des estimations temporelles. Le ratio de Weber est ainsi équivalent à l’écart-type des estimations temporelles divisé par la moyenne de ces estimations. Ce ratio est un indice de sensibilité au temps : plus sa valeur est petite et plus la sensibilité au temps est grande. Il existe différents facteurs qui peuvent influencer la variabilité de l’estimation du temps.

t=bT+a –mémoire, attention et émotion.

Le rôle de la mémoire dans l’estimation du temps peut paraître évidente. En effet, pour avoir une idée du temps il est nécessaire d’avoir une représentation en mémoire à long terme d’un temps donné qui sera comparable aux autres temps vécus. Mais le rôle de l’attention est tout aussi décisif. En effet, plus nous accordons d’attention à autre chose qu’au temps, plus le temps nous parait court. Une sous-estimation du temps est donc engendrée lorsque l’attention est détournée du temps lui-même. Cette sous-estimation temporelle peut se produire également quand un évènement est imminent. Rappelons-nous jeunes étudiants, lorsque nous attendions de passer devant un jury. Le temps put sembler court. Cela est la résultante de l’effet d’attente pour lequel le sujet va focaliser son attention sur l’évènement attendu et donc recruter moins de ressources attentionnelles sur l’information temporelle. Cet effet d’attente pourrait moduler la puissance des ondes alpha, mais pas la phase d’oscillation permanente et il est établi que c’est l’analyse de ces oscillations des ondes alpha qui peut prédire si un stimulus sera perçu ou non. Au-delà des ressources attentionnelles portées, l’effet des émotions sur le temps, apparait indéniable. Le temps ne passe pas à la même vitesse lorsque l’amour est à nos côtés. Mais comment l’expliquer ? Langer, Wapner et Werner (1961) ont été les précurseurs de l’étude de l’effet des émotions sur la perception du temps. Ils ont pour cela soumis des sujets à une expérience qui ne manquait pas d’air puisqu’ils les ont placés face à un précipice en leur bandant les yeux. L’expérience a montré que plus le danger était élevé, et donc plus les pieds des sujets étaient proches du précipice, plus ils trouvaient le temps long… En y réfléchissant, nous pouvons les comprendre !

L’environnement et nos facultés cognitives sont créateurs de temps mais le temps peut-il être également créateur de temps ?

Oui, car l’avancée en âge va modifier à nouveau notre perception temporelle. En effet, plus nous vieillissons plus nous sous-estimons le temps et donc plus nous trouvons que le temps passe vite. Beaucoup penseront que cet effet est davantage philosophique et propre à la conscience du moins de temps qu’il nous reste, mais certains auteurs ont offert d’autres types d’explication. Il fut ainsi postulé que cette sous-estimation pourrait être due à une diminution des ressources attentionnelles disponibles, ou encore à une sensation de pression temporelle face à l’obligation de faire trop de tâches dans un temps imparti ressenti comme trop bref. Une autre explication a été celle du « ratio ». Selon cette dernière, à vingt ans une année correspondrait à une durée d’1/20 alors, qu’à soixante ans, un an correspondrait à une durée d’1/60 et donc notre propre temps serait dépendant du ratio du temps vécu.
Quelle que soit la bonne explication, prenez-votre temps car la seule chose dont nous sommes sûrs à ce sujet c’est que plus le temps passe moins on en a.