S33 : Actualités sur les nouvelles drogues de synthèse
>S33A – Les nouveaux produits de synthèse : données cliniques et pistes thérapeutiques.
Olivier COTTENCIN, Lille
>S33B – Les Nouveaux Produits de Synthèse (NPS) : développement du phénomène.
Agnès CADET–TAIROU, Saint-Denis
>S33C – Les nouvelles drogues de synthèse aux urgences : aspects épidémiologiques et cliniques, principes de prise en charge.
Georges BROUSSE, Clermont-Ferrand

Les points forts
Les nouvelles drogues de synthèse sont facilement disponibles sur Internet.
Les cathinones et les cannabinoïdes de synthèse sont les substances les plus fréquemment consommées.
Les nouvelles drogues de synthèse ont un potentiel addictif.

La consommation des nouveaux produits de synthèse, vendues sur Internet est de plus en plus répandue. Les produits sont présentés sur des sites spécialisés (« headshops ») comme des psychotropes « légaux », d’origine « végétale », notamment sous les appellations « legal highs », « herbal highs » ou « bath salts ». Ils sont vendus entre 8 et 20 € le gramme. Les molécules sont synthétisées dans des laboratoires clandestins (« cookers »), notamment en Asie.
 
Cathinones et cannabinoïdes de synthèse : effets recherchés et effets nocifs 
Olivier Cottencin (Lille) a exposé les effets des nouveaux produits de synthèse. Ils sont très variables selon les individus, selon les doses et les voies d’administration : sniff, inhalation, plug, « slam » (voie intraveineuse) (1). Les consommateurs sont surtout des usagers occasionnels, socialement insérés, consommant principalement dans l’espace festif, notamment du milieu alternatif « techno » ou lors de parties sexuelles (pratique du slam). Ils échangent volontiers sur des forums de consommateurs (E-trip reports).
 
  • Les cathinones de synthèse
Elles sont vendues sous des noms attractifs tels que « meowmeow », « 4-MMC », « Bubbles », « Energy One ». La méphédrone, la plus connue, est interdite en France depuis 2010. Les effets de la méphédrone sont des effets amphétamine-like qui durent deux à cinq heures. Les consommateurs recherchent des effets d’euphorie et entactogènes (qui facilitent les contacts sociaux, et l’empathie). La 4-MEC ressemble à la méphédrone. La méthylone est aussi une drogue de synthèse populaire, analogue de la MDMA (exctasy). Elle entraîne des effets d’euphorie calme. La MDPV a des effets cocaïne-like, entraînant une excitation psychomotrice. Des cas de décès ont été décrits avec cette substance.
Les cathinones de synthèse ont un potentiel addictif avec tolérance, sevrage et craving sévère. Elles peuvent entraîner des complications psychiatriques aiguës et chroniques : agitation, agressivité, anxiété, attaques de panique, paranoïa, dépression, comportements suicidaires, troubles cognitifs à long terme, ainsi que des complications somatiques, notamment surdoses et complications infectieuses liées aux injections (VIH).
 
  • Les cannabinoïdes de synthèse
Ils sont vendus sous des noms tels que « spice », « spice gold », « gorilla », « yucatan, fire » … Elles sont vendues « not for human consumption », comme encens, désodorisants d’ambiance et mélangées à de la vitamine E pour masquer les tests toxicologiques. L’action pharmacologique est similaire à celle du cannabis, avec tachycardie, hyperhémie conjonctivale, xérostomie survenant 10 minutes après inhalation. Les effets durent six heures environ. Ils peuvent entraîner anxiété, hallucinations, paranoïa, troubles cognitifs, troubles de la coordination motrice, céphalées, vomissements et crises convulsives.
 
Données épidémiologiques 
Agnès Cadet–Tairou (OFDT, Saint-Denis) a rapporté les données épidémiologiques issues des enquêtes TREND/OFDT, SINTES/OFDT baromètre santé, INPES/OFDT et de l’enquête ESCAPAD (www.i-trend.eu). Les cannabinoïdes de synthèse ont été expérimentés par 1,7 % des 10-64 ans et par 17 % des usagers de cannabis (2,3). Elle a souligné qu’une petite partie seulement des usagers des nouveaux produits de synthèse arrivait à la clinique.
Les nouveaux produits de synthèse imitent les effets des drogues classiques. Elles sont synthétiques, donc modifiables à l’infini. Les effets précis restent inconnus : les usagers font en quelque sorte les cobayes. La matière première est fabriquée en Chine et en Inde. La synthèse est réalisée aux Pays-Bas ou dans les pays de l’Est. Un usager sur deux achète sur le deep web, dans des magasins en ligne qui ont développé des stratégies d’entreprise pour augmenter les ventes.
 
50 % des usagers ont moins de 25 ans. Ce sont fréquemment des psychonautes expérimentés qui connaissent les molécules et leurs effets. D’autres types d’usagers peuvent se rencontrer, notamment dans les milieux gays, des usagers précarisés, des usagers problématiques de cannabis, des anciens usagers d’héroïne insérés sous TSO. Cependant, beaucoup de consommateurs de cannabis rapportent préférer le cannabis traditionnel aux cannabinoïdes de synthèse. Des e-liquides pour les cigarettes électroniques, contenant ce type de produit, auraient fait irruption récemment.
 
Les nouvelles drogues de synthèse aux urgences
Georges Brousse (Clermont-Ferrand) a rappelé que 154 nouvelles drogues de synthèse avaient été identifiées depuis 2000. Aux urgences, la prise en charge est difficile en raison de la toxicité des substances encore mal connue. Les patients présentent des toxidromes, constellations de signes cliniques, biologiques et/ou électrocardiographiques orientant le clinicien vers une classe particulière de toxiques. Chaque signe n’est pas spécifique isolément (myosis/mydriase, HTA, modifications de la fréquence cardiaque), mais évoque une classe de substance lorsqu’ils sont associés.
  • Les toxidromes évocateurs d’intoxication par les amphétamines associent des signes sympathomimétiques : agitation, hallucinations, mydriase, HTA, tachycardie.
  • Les toxidromes évocateurs d’intoxication par les hallucinogènes associent distorsions perceptuelles, hallucinations, mydriase, HTA, tachycardie.
  • Les cannabinoïdes de synthèse, agonistes puissants des récepteurs CB1, induisent cinq fois plus fréquemment des hallucinations, des modifications cognitives, une désorganisation de la pensée et des rires incoercibles. Ils peuvent également entraîner tachycardie ou bradycardie, troubles de la conduction cardiaque, allongement du QT, ou blocs auriculo-ventriculaire,
  • Les toxidromes évocateurs d’intoxication par les cathinones associent : HTA, tachycardie, agitation, délire aigu. Ces substances entraînent des tableaux variés : troubles coronariens, accidents vasculaires cérébraux, hypoglycémie et des crises convulsives.
 
En conclusion, il ne faut pas oublier que ces produits sont fréquemment associés à l’alcool et aux autres drogues. La prise en charge est essentiellement symptomatique : lieux calmes, sans stimulations, antipsychotiques atypiques, béta-bloquants en cas d’HTA ou de tachycardie. La recherche de pathologies comorbides devrait être systématique (4).