Session JPPA05 : Notre voix comme le miroir de nos émotions et cognitions : vers une analyse automatisée du langage ?
Président : Renaud DAVID, Nice

93 % de notre communication est non verbale, une probable tentative humaine de dissimuler une émotion inavouée, une fragilité. Qu’elle soit gestuelle, faciale, vocale, elle traduit de nous bien plus que nous le croyons. La voix a la particularité d’être double, porteuse d’éléments verbaux (éléments linguistiques) et non verbaux (mesures acoustiques). Mais comment percer à jour son double visage ? C’est à cette question que les intervenants de ce symposium vont tenter de répondre.

Vers une analyse de la voix et de son langage…

Comment ?

Via des talk-shows” télévisés, des séances de psychothérapie ou encore des communications radio lors d’accidents d’aviation, les chercheurs ont déjà par le passé tenté d’identifier des caractéristiques vocales spécifiques à un état émotionnel. Mais ces situations demeurent particulières, peu rencontrées dans la vie quotidienne et les enregistrements souvent difficilement interprétables. La solution fut à l’époque de faire appel à des acteurs en les plaçant dans des situations contrôlées en laboratoire. Mais une émotion simulée est-elle toujours une émotion ? Qu’analyse-t-on ? L’émotion de produire un jeu d’acteur parfait ou l’émotion de ne pas en avoir pour contrôler au mieux sa voix ?

Quoi ?

Qualité de la voix, temporalité du discours, hauteur de la fréquence fondamentale, tous ces éléments peuvent indiquer un état émotionnel ou cognitif. Si l’intensité émotionnelle semble la plus identifiable par le biais des mesures acoustiques, il apparait que la valence émotionnelle peut également être déduite par le biais de l’analyse vocale. Au-delà des émotions dites “fondamentales”, telles que la colère, la peur, la joie et la tristesse, des mesures propres à la fréquence et à la hauteur permettent de faire des distinctions plus complexes. Colère froide ou chaude, anxiété, peur panique, joie calme ou joie intense, tristesse déprimée ou désespoir, sont autant de subtilités émotionnelles que notre voix pourrait dévoiler. Néanmoins, et malgré la variabilité des techniques utilisées pour l’analyse de l’expression vocale des émotions, il apparait que dans la grande majorité des études, la tristesse et la colère sont les catégories émotionnelles les mieux reconnues et les expressions de peur, de joie et de dégoût sont celles qui sont les moins bien reconnues.

Pour qui ?

Des troubles émotionnels sont retrouvés dans un grand nombre de pathologies et sont souvent corrélés, interreliés, aux troubles cognitifs. Ainsi dans la maladie de Parkinson, l’apathie a une prévalence allant de 17 à 70 %. Le fait que l’apathie et la dépression, bien qu’étant des symptômes indépendants, peuvent se chevaucher rend la reconnaissance de l’apathie chez les patients parkinsoniens souvent difficile. Aussi, le développement d’outils pour la détecter apparaît crucial car l’apathie est un facteur prédictif de l’évolution de la démence, est associée à un dysfonctionnement cognitif particulièrement au niveau exécutif, et est en lien avec la majoration des troubles mnésiques. La prévalence de l’apathie est également importante suite à des accidents cérébraux puisqu’elle se situe entre 38 et 43 % post-AVC. La présence de cette dernière a un impact négatif sur la récupération et génère une augmentation des risques des suicides post-AVC. Enfin l’apathie est un des symptômes les plus associés à la fois à la maladie d’Alzheimer et aux troubles cognitifs mineurs. Sa gravité est corrélée au degré d’altération fonctionnelle et à l’évolution de la maladie et il a été mis en évidence un risque deux fois plus élevé de conversion en maladie d’Alzheimer chez les patients présentant des troubles cognitifs légers et des symptômes apathiques.

Pourquoi ?

L’analyse automatique de la parole ouvre de nouvelles possibilités dans l’analyse des mesures linguistiques et accoustiques que nous ne faisons que commencer à explorer.

Alors oui, pourquoi se taire ?

Les orateurs aborderont, dans une première présentation, les caractéristiques et les modulations de la voie en lien avec des modifications de l’état de l’humeur. Puis, chez le sujet âgé, ils présenteront un outil d’analyse automatisée de la voix, permettant, à partir de l’enregistrement d’échantillons de la voix au cours de courtes épreuves simples sur une tablette ou un smartphone, d’extraire les paramètres vocaux susceptibles d’être reliés à la survenue d’une atteinte neurodégénérative.