Le thème du CFP 2019, la Crise, concerne au premier chef, en psychiatrie, l’action thérapeutique : comme le rappelle opportunément Marc-Antoine Crocq dans son éditorial introductif à cette 11ème édition, la crise signifie en grec ancien la prise de décision, et jusqu’aux Lumières il s’agissait d’un terme médical. Dans notre spécialité, la crise, moment difficile à surmonter, est néanmoins bien souvent, des écrits freudiens aux théories systémiques ou cognitives, présentée comme salutaire car elle permet un réaménagement d’une situation jusqu’alors bloquée. Elle est le point où s’élargit le champ des possibles, où des perspectives jusqu’alors cachées se font jour.
Point clé 1 : A l’heure où l’Intelligence Artificielle capte l’attention, le CFP consacre plusieurs interventions aux prises en charge s’appuyant sur l’informatique : il s’agit de décrire les progrès notables apportés, mais aussi de réfléchir aux risques inhérents à un « mésusage » de ces leviers thérapeutiques.
Point clé 2 : Si la famille des thérapies cognitivo-comportementales de troisième génération se porte au mieux, les psychotropes n’ont pas dit leur dernier mot, et gardent une place difficilement remplaçable dans notre arsenal thérapeutique.
|
« L’Hôpital en crise » ; « un système de soins psychiatrique à bout de souffle »… : rarement constat si pessimiste aura été aussi largement partagé, de même que domine le sentiment que les décisions attendues ne sont pas prises « en haut lieu ». Et pourtant, la vitalité de ce CFP montre que notre communauté ne se résout pas au pire : elle cherche constamment des solutions à ses difficultés, et tout particulièrement à poursuivre l’amélioration de la prise en charge des patients qui lui sont confiés. Nous ne sommes pas encore parvenus au 3ème stade de la dépression anaclitique du nourrisson décrite par Spitz après un abandon par une « bonne mère » , celui du repli aréactif avec désintérêt complet, ce qu’il appelait l’état de « marasme » ; nous oscillons plutôt entre les 2 premiers stades : celui, initial, de la revendication exigeante, et celui qui lui fait suite d’opposition avec refus de participation. Les innovations thérapeutiques proposées, et l’énergie voire l’enthousiasme de leurs (généralement jeunes) promoteurs, témoignent que le ressort fonctionne encore.
Dans le domaine des nouvelles thérapeutiques, la place des thérapies liées à internet ne cesse de croître. Entre auto-thérapie guidée par ordinateur et thérapies psychiatriques s’appuyant sur les ressources informatiques, le champ est vaste, comme l’expose la Session « Aidons nos patients à s’aider eux-mêmes » (S17). Sites médicaux, forums santé, applications d’e-santé, thérapies par internet, suscitent une appétence toujours plus marquée. Leur succès ne se dément pas, même si émergent de plus en plus des préoccupations quant à la confidentialité des données ainsi recueillies, ou l’objectivité des conseils ou appréciations diverses qu’on y trouve : crainte de possibles manipulations, courses imbéciles aux likes et aux « étoiles »…
Les modalités des thérapies en sont modifiées, mais plus encore leur nature : il n’est plus question d’alliance thérapeutique ou de transfert sur le thérapeute, mais d’auto-thérapie, de self-help. Pour l’avenir, divers développeurs informatiques, – mus parfois par des considérations philanthropiques, plus souvent par des attentes financières – cherchent à mettre à contribution dans le domaine de la santé psychique (ou de la maladie mentale ?) les progrès parfois étonnants de l’Intelligence Artificielle. Les enjeux de la e-santé en psychiatrie seront également abordés dans une la session FA12, qui discutera le concept de « relation thérapeutique numérique », et dans la session FA06, qui se penchera sur la réalité virtuelle comme outil de prise en charge.
L’indépendance des professionnels de la santé, en exercice ou en formation, vis à vis des industriels de la santé sera le thème de la session de l’AFFEP (FA09). Les problématiques concernant les stratégies d’influence mises en œuvre par les industriels du médicament sont sans doute peu différentes de celles déployées par les entrepreneurs de la e-santé. Les étudiants en médecine et les jeunes professionnels de la santé attachent de plus en plus d’importance à cette question, comme en témoignent les nombreuses initiatives élaborées dans ce sens qui seront ici décrites.