S02Patients dépendants de la cocaïne : innovations thérapeutiques
> S02A – Un nouveau groupe de thérapie émotionnelle de prévention de rechute pour les patients dépendants de la cocaïne ou des psychostimulants
Emily KARSINTI – Nanterre
> S02BEfficacité de la r-TMS et de la t-DCS dans la réduction du craving et des consommations pour les patients cocaïnomanes
Aurélia GAY – Saint-Etienne
> S02C – Protocole de Stimulation Cérébrale Profonde du Noyau Sous-Thalamique pour la dépendance sévère au crack : évolution à 1 an du patient n°1
Florence VORSPAN – Paris

Les points forts :

  • Les psychothérapies de groupes cognitivo-comportementales peuvent aider certains sujets à gérer leur craving et à diminuer leur consommation de psychostimulants.
  • La rTMS est prometteuse dans l’addiction à la cocaïne.
  • La stimulation cérébrale profonde reste une technique expérimentale.

La consommation de cocaïne a augmenté ces dernières années. Dans l’enquête Baromètres santé 2017 de Santé publique France/OFDT, 3 % des 18-34 ans ont consommé cette substance dans les 12 derniers mois (1). Les prix ont baissé et la pureté du produit a augmenté. Ces données sont d’autant plus inquiétantes qu’il n’existe pas actuellement de traitement pharmacologique validé pour aider les patients souffrant d’addiction à la cocaïne. D’après une revue Cochrane récente, évaluant 52 essais randomisés contrôlés, il n’existe pas non plus de psychothérapie spécifique validée. D’où l’intérêt de thérapies innovantes dans ce champ.

Perspectives en psychothérapie

Emily Karsinti, psychologue à l’hôpital Fernand Widal à Paris, a présenté un programme de de prévention de rechute par thérapie émotionnelle pour des groupes de patients dépendants de la cocaïne et autres psychostimulants. Ce programme, fondé sur les théories de prévention de rechute de Marlatt et Dudzus, comprend 9 séances. La 1ère séance, « qu’est-ce que la dépendance ? », aborde les caractéristiques de la dépendance et les principes de réduction des risques. Elle s’appuie sur le photo-langage : chaque participant choisit une image qui caractérise sa dépendance. La 2ème séance a pour thème le changement et propose de réaliser des balances décisionnelles. Elle distingue notamment le faux-pas de la rechute et les techniques de contrôle permettant de ne pas passer de l’un à l’autre. La 3ème séance fait participer des proches, en prenant soin de respecter la confidentialité. La 4ème séance aborde la gestion des envies et du craving, notamment lors des situations à risque de rechute. La 5ème séance est consacrée à l’affirmation de soi et la formulation d’un refus, notamment à l’aide de jeux de rôles. La 6ème séance est consacrée à la résolution de problèmes, notamment à travers des exemples pratiques apportés par les patients. La 7ème séance tourne autour du témoignage d’un ancien patient, abstinent depuis plusieurs années, sur les étapes de la thérapie. La 8ème séance, « et maintenant ? », est consacrée à l’occupation du temps et aux investissements financiers libérés par l’abandon des conduites addictives. La 9ème séance est consacrée au bilan du groupe et à une séance de relaxation, selon la technique de Jakobson.

L’évaluation de l’intérêt de ce groupe a porté sur 64 patients, venus à au moins une séance, dont 70 % étaient des hommes, âgés en moyenne de 40 ans. Les patients ont participé à cinq séances en moyenne. Neuf d’entre eux ont assisté à toutes les séances. Sur 11 patients ayant rempli l’évaluation, 8 ont rapporté avoir diminué leur craving et 7 sur 12 ont augmenté leur durée d’abstinence. Cependant les patients répondeurs étaient ceux qui consommaient le moins et qui étaient les plus motivés.

Perspectives des techniques de neuromodulation non invasives

Aurélia Gay, addictologue au CHU de Saint-Etienne a réalisé une méta-analyse sur l’efficacité de la stimulation magnétique transcrânienne (rTMS : Transcranial Magnetic Stimulation) et de la stimulation transcrânienne non-invasive par courant continu (Transcranial Direct-Current Stimulation : tDCS), courant électrique de faible intensité entre deux électrodes placées sur le scalp), sur le craving et/ou la consommation, dans des populations de sujets dépendants à la cocaïne sans comorbidités psychiatriques. La méta-analyse de 8 études, dont 4 randomisées, confirme l’efficacité de la rTMS sur le craving et la consommation de substances, notamment de cocaïne. L’effet se maintient au moins pendant un mois. L’hypothèse sous-jacente de l’efficacité de cette technique repose sur l’idée qu’elle corrige l’hypoactivité du cortex préfrontal dorso-latéral et qu’elle augmente le contrôle cognitif. Les résultats sont limités par la grande hétérogéneité des protocoles. Il n’y a pas encore suffisamment d’études (quatre, dont deux randomisées) pour conclure sur l’efficacité de la t-DCS. Il reste à préciser les populations ciblées, notamment pour des populations présentant des comorbidités et les régions cérébrales ciblées.

Perspectives des techniques de neuromodulation invasives

Florence Vorspan, MCU-PH à l’hôpital Fernand Widal a rapporté l’essai d’un protocole de stimulation cérébrale profonde (Deep Brain Stimulation) du noyau sous-thalamique chez un patient présentant une dépendance sévère au crack depuis 20 ans. Cette dépendance était résistante à toutes les thérapeutiques susceptibles de l’améliorer. Le patient était en grand risque de complications létales, justifiant l’intervention neurochirurgicale nécessaire pour effectuer la stimulation cérébrale profonde. L’hypothèse de l’essai chez ce patient était fondée sur l’efficacité de cette technique dans le trouble obsessionnel compulsif résistant et que l’addiction au crack de ce patient était caractérisée par des niveaux élevés d’obsessions et de compulsions à l’échelle OCCS. Trois essais en double aveugle, n’ont malheureusement pas retrouvé chez ce patient d’efficacité de cette technique ni sur le craving ni sur la réduction des consommations de crack.