Retour CFP 2014

Les guerres de religion entre courants psychothérapeutiques sont aujourd’hui terminées. Comme l’a souligné Jean-Luc Venisse en introduction, la complémentarité entre courants cognitivo-comportementaux, systémiques et psychanalytiques s’est affirmée, prenant en compte les facteurs de prédisposition et d’entretien de l’engrenage addictif.

Sessions thématiques du congrès 2014 :
S8 : Complémentarité des approches psychothérapiques en addictologie : le paradigme de l’efficacité
>S8A : L’art de mobiliser les symptômes par les TCC
François–Xavier POUDAT – Nantes
>S8B : Quelle place pour les thérapies systémiques brèves dans l’abord thérapeutique des addictions ?
Olivier COTTENCIN – Lille
>S8C : Conceptions étiopathogéniques des addictions et implications thérapeutiques en termes d’approches complémentaires
Philippe JEAMMET – Paris

Les points forts

  • Les thérapies cognitivo-comportementales visent à aider les patients présentant des addictions à examiner leurs symptômes de manière distanciée.
  • Dans les thérapies systémiques brèves, le travail du thérapeute est essentiellement un travail de négociateur entre le patient et un (des) tiers.
  • En addictologie, un aspect essentiel des psychothérapies est de promouvoir les potentialités des patients, notamment sur un plan émotionnel.
Approche cognitivo-comportementale

François–Xavier Poudat (Nantes) a souligné l’intérêt de mobiliser les symptômes en cinq étapes à l’aide des techniques cognitivo-comportementales :
1) Observation des séquences addictives, sans les modifier: le thérapeute favorise chez le patient l’auto-observation de ses émotions, de ses comportements et de ses cognitions, avant (situations à risque), pendant et après les conduites addictives. 2) Expérimentation de la distanciation du symptôme: le thérapeute favorise l’auto-observation du discours intérieur chez le patient, en particulier les croyances irrationnelles. 3) Repérage des modèles cognitifs de fonctionnement internes : le thérapeute travaille sur les schémas cognitifs, notamment les pensées automatiques, les croyances permissives et soulageantes, en 10 séances durant six mois. 4) Prévention des rechutes : le thérapeute utilise des techniques d’entraînement à l’affirmation de soi, de gestion des émotions et des thérapies de pleine conscience, en une douzaine de séances. 5) Distanciation : le thérapeute favorise les processus d’autonomisation et d’individuation (« apprendre à exister », cicatriser les plaies du passé).
Approche systémique : trouver un levier de changement

Olivier Cottencin (Lille) a évoqué les façons d’aborder les patients qui arrivent en Addictologie sans demande de soins, notamment ceux amenés par leurs familles ou en obligation de soins. Il est d’abord essentiel de reconnaître la contrainte puis de travailler avec elle. Reconnaître la contrainte, cela signifie accepter que les objectifs soient différents selon les parties, par exemple ceux du patient et ceux du conjoint. Il est important d’utiliser le langage du patient pour adopter la position de négociateur. Dans un deuxième temps, il s’agira de définir des objectifs communs entre patient et thérapeute.
En pratique, la grille de lecture consiste dans ce type de situations: 1) à repérer qui demande, qui se plaint, qui veut que ça change et qui est prêt à se mobiliser 2) à définir le problème 3) à apprécier en quoi est-ce un problème : par exemple récupérer son permis, sa santé, son conjoint… Le thérapeute vise à faire évoluer la position du patient « non concerné » en explorant notamment la nature du problème avec le patient et en l’aidant à comprendre le point de vue du demandeur. Il vise à faire évoluer la position du patient « plaignant », qui attribue le problème aux autres, en l’aidant à distinguer ce qu’il pense dépendre de lui de ce qui ne dépend pas de lui. Il vise à faire évoluer la position du patient « client » en l’aidant à comprendre que ce qui change ne dépend que de lui.
Psychothérapies des addictions : les leviers thérapeutiques

Pour Philippe Jeammet (Paris), ce qui fait qu’une thérapie va marcher, c’est avant tout la confiance du patient envers son thérapeute. D’un point de vue psychothérapeutique, les addictions peuvent être comprises comme des conduites adaptatives pour soulager une souffrance psychique. Les patients suivis pour un problème addictologique sont souvent débordés par une sensibilité exacerbée.
L’élaboration des émotions, des croyances soutenues par les émotions et de la force de la contrainte qui pousse les patients à se faire du mal sont des leviers thérapeutiques majeurs. Le thérapeute vise à aider le patient à comprendre que pour se sentir exister, il est inutile de se faire du mal et de s’abimer. Il vise également à aider le patient à reconnaître et mobiliser ses potentialités. La motivation au changement sera d’autant plus forte que le patient va ressentir avoir de la valeur en tant que personne pour son thérapeute. Celui-ci doit garder à l’esprit que les patients, certes altérés par les addictions, restent profondément vivants, ce qui représente un facteur mobilisateur essentiel.