Au printemps dernier, Gérard Garouste était l’invité du Musée de la Chasse et de la Nature. La commande concernait le mythe de Diane et Actéon retracé par le poète latin Ovide dans Les Métamorphoses (43 av. J.C. – 17 ap. J.C.).

Pour cette exposition, l’artiste peintre, graveur et sculpteur accepte ces deux personnages comme compagnons d’incitation. A partir de là, il croque, dessine et cherche à travers ses pigments de couleurs, la tonalité qu’il va pouvoir donner à ce mythe. Il mettra deux ans pour œuvrer et livrer son travail sur ce thème qui traite du désir, du regard et de la capture.

En 2009, dans son récit autobiographique, L’Intranquille : autoportrait d’un fils, d’un peintre, d’un fou – Il écrit qu’il lui « fallait démonter la grande manipulation religieuse et familiale[1] ». Il ajoute également que cela deviendra son sujet et qu’il n’en changerait plus. Et que, « si la peinture a enchanté mes doigts, ce sont les livres qui ont nettoyé ma tête[2]. ». Les textes sacrés religieux ou mythologiques resteront ses sources d’inspiration. Garouste aime les énigmes, « … chercher les clés est l’histoire de ma vie[3] ».

Une déesse, un mortel – La Métamorphose.

Actéon est le fils du dieu mineur Aristée et petit-fils d’Apollon. Elevé par le centaure Chironet, il devient un chasseur très habile. Lors d’une de ses chasses et « guidé par son destin », il surprend Diane, qui accompagnée de ses chaperonnes prend son bain. Il pose alors sur elle un regard, un regard de désir.

 

ACTEON ET SES CHIENS, 2014 (Huile sur toile – Courtesy Galerie Templon, Paris, Bruxelles.)

Diane, déesse de la chasse et des accouchements, est associée à la Lune protectrice. Cette lune symbolise le retour à la vie sauvage. Par ailleurs, elle est connue pour ses furieuses et sévères sentences à qui tente de la séduire ou même de la regarder. C’est ainsi qu’elle punit Actéon en le transformant en cerf. Conduisant ce dernier à une mort certaine poursuivit par ses chiens qui le prennent pour gibier.

Elisabeth et Garouste – Le Délire.

Comme l’écrit Claude d’Anthenaise la commissaire de l’exposition, « la déesse Diane ressemble à l’épouse du peintre, tandis que ce dernier prête ses traits à l’infortuné chasseur ».

Gérard Garouste est amoureux de sa femme, Elisabeth, sa déesse, son pilier. Il est convaincu qu’elle seule le protège et peut le sauver. Sans savoir que, plusieurs dizaine d’années après, Diane, déesse de l’accouchement le charmerait, il fait sa première expérience du délire. Sa femme est enceinte de leur premier enfant et il se sent terrifié, sans rien à lui offrir.

Comme confronté à la déesse de mauvais caractère sans présent, il prête à sa femme un désir de vengeance. S’ensuit un mois et demi d’hospitalisation d’office au cours de laquelle il lutte contre sa dulcinée. Celle qui « représentait l’extérieur, elle me rappelait à la vie et je le lui faisais payer[4] ».

ACTEON ET LE REPENTIR, 2017 (Huile sur toile – Courtesy Galerie Templon, Paris, Bruxelles.

LE CERF COMPAGNON, 2015 (Huile sur toile – Courtesy Galerie Templon, Paris, Bruxelles.)

A propos de son délire il dit qu’il « avait fait de moi une bombe humaine. Le délire, c’est une fuite, une peur très grande d’être au monde, alors, on préfère se croire mort, tout puissant, ou juste un enfant[5]». Garouste se retrouve plusieurs fois tel un gibier, il cherche à échapper, à fuir l’hôpital.

Aujourd’hui, après toute cette épopée, Garouste aime se présenter au musée, munit de son imperméable et de son grand chapeau marron. Il se tient disponible et curieux d’échanger avec les visiteurs. Cela n’est pas s’en rappeler non plus sa note au sujet du peintre, graveur et sculpteur Jean Fautrier, père d’un de ses camarades d’internat, […] « on reconnait l’artiste, à sa liberté, à ses défis, à cette façon d’être là où on ne l’attend pas ». […] Bien que « la marginalité de l’artiste peut devenir une convention sociale[6] »