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Rencontre avec l’expert :
R4 – Redécouvrir la catatonie

Modérateur : Anne-Laure SIMONNOT – Boulogne-Billancourt
Expert : Thomas MAURAS – Paris

Autour du CFP 2014 de Nantes, nous avions publié un entretien avec un confrère ayant travaillé sur les liens entre syndrome catatonique et syndrome autistique. Nous retrouvons la catatonie à Lille en 2015 lors d’une rencontre avec l’expert accordant une place importante à l’échange autour de cette entité réinvestie par les cliniciens et les chercheurs comme en témoigne un nombre de publications croissant sur ce sujet au cours des dix dernières années.

Points forts

  • Près d’un tiers des syndromes catatoniques a une origine organique nécessitant un examen clinique approfondi et des examens complémentaires.
  • En psychiatrie, la catatonie se retrouve plus souvent dans les troubles de l’humeur que dans la schizophrénie.
  • Chez l’enfant ou l’adolescent atteint d’un trouble du spectre autistique les manifestations de la catatonie sont parfois difficiles à distinguer de certains symptômes autistiques.

T. Mauras rappelle l’histoire de la description de ce syndrome moteur caractéristique, longtemps rattaché à la schizophrénie jusqu’à constituer pendant un temps un sous-groupe particulier de cette maladie (forme hébéphréno-catatonique). Syndrome caractéristique mais dont les critères cliniques sont pourtant l’objet de discussions et d’une multiplication des échelles d’évaluation dont la référence reste la BFCRS (Bush-Francis Catatonia Rating Scale).

Le recul montre que ce lien à la schizophrénie n’est pas si étroit et que la catatonie est plus fréquente encore lors des troubles de l’humeur, ce que Kahlbaum avait déjà noté. Mais le plus important pour nous est peut être l’importance des causes médicales représentant près du tiers des étiologies des syndromes catatoniques. Encéphalites limbiques, maladies métaboliques, auto-immunes, intoxications aux métaux, justifiant toujours un examen clinique approfondi et au moindre doute un bilan avec Ponction Lombaire (PL) et examens biologiques. Les sevrages, surtout à l’alcool mais aussi aux BenZoDiazépines (BZD) et à d’autres substances peuvent aussi se manifester par des tableaux catatoniques.
Des formes malignes avec rigidité importante, dysautonomie (fièvre, instabilité tensionnelle) et augmentation des Créatines PhosphoKinases (CPK) soulèvent la question du lien avec le syndrome malin des neuroleptiques lorsqu’elles surviennent chez une personne traitée.

Une prise en charge du trouble et de ses complications

Les complications somatiques de ce trouble, particulièrement dans les formes chroniques, nécessitent une grande vigilance : phlébite, déshydratation, escarres, fécalomes, globes vésicaux, infections qui doivent être autant que possible prévenues et prises en charge rapidement.

Soixante à 70 % des états catatoniques répondent favorablement et rapidement aux BZD et particulièrement au lorazepam. Le zolpidem est aussi utilisé comme test thérapeutique à effet rapide et parfois prescrit plus durablement. Enfin les agonistes dopaminergiques comme l’amantadine ou la mémantine sont des alternatives médicamenteuses avant le recours aux ECT.

Chez l’enfant et  l’adolescent

Chez l’enfant, les catatonies sont aussi associées à certaines maladies neurométaboliques mais c’est surtout l’association avec des troubles du spectre autistique présente dans 30 % des cas qui est importante pour le psychiatre, d’autant que la proximité clinique avec certaines manifestations des troubles autistiques rend difficile le diagnostic.

Les images cérébrales de la catatonie

Si la phénoménologie des états catatoniques est mal connue, c’est que les patients ont souvent une anosognosie rétrospective et communiquent peu sur ces expériences même si certains ont pu décrire des états internes de terreur, d’incapacité de mouvement. Les travaux d’imagerie fonctionnelle tentent de rendre compte de cet état particulier de suspension du mouvement, de perte d’auto-activation au niveau cérébral et ils ont mis en évidence chez des patients catatoniques un défaut de recrutement de l’aire motrice supplémentaire, du cortex préfrontal et pariétal. Des anomalies de connectivité entre le cortex orbito-frontal médian et pré-frontal médian et entre cortex pré-frontal médian et préfrontal dorso-latéral ont aussi été observées lors de tâches de reconnaissance émotionnelle.

Ces données ont conduit T. Mauras vers une conclusion établissant des liens entre ce syndrome et des états altérés de conscience où le zolpidem a aussi montré son intérêt pour provoquer le réveil  lors de certains comas.