Session S08Mortel amour : l’homicide conjugué aux temps de la famille
Président : Laurent LAYET – Montfavet

>S08A – Néonaticide : le déni jusqu’au bout – Infanticide altruiste : ces mères qui tuent par amour

Nidal NABHAN-ABOU – Laval

>S08B – Uxoricide : je t’aime à la folie, passionnément, plus du tout

Mathieu LACAMBRE – Montpellier

>S08C – Parricides : quand le mythe devient réalité

Anne-Hélène MONCANY – Toulouse

Le meurtre peut être conjugué au temps de la famille. Les meurtres intrafamiliaux ne sont pas exceptionnels, sont retrouvés des actes d’agressions physiques et psychiques des violences sexuelles des actes de dominations de négligence ou de privation de soins qui, dans leurs formes extrêmes, peuvent conduire à la mort

Filicides : ces mères qui tuent

Le meurtre au féminin possède des spécificités psychopathologiques et criminologiques et représente des formes extrêmement variées dans leur expression mais aussi dans les liens entre auteur et victime. Ces mères qui tuent, depuis les premières heures de l’arrivée au monde d’un nouveau-né (néonaticide) jusqu’à l’enfant, être vulnérable. Répétitions, déni, ambivalence, emprise, dépendance, se conjuguent dans l’intimité du lien mère-enfant jusqu’au silence définitif et irréversible par la mort des êtres les plus proches, les plus chéris. Le déni de grossesse, total ou partiel, abouti souvent a une panique néonaticide des grossesses dans le silence, ignorée par l’entourage le plus proche mais aussi par ces femmes elles-mêmes.
L’infanticide altruiste : ces mères qui tuent par amour portées par une mélancolie le grand pourvoyeur de suicide altruiste, appelé aussi suicide élargi. Ces mères sont convaincues d’une manière délirante de sauver les êtres qui leur sont le plus cher en les emportant avec elles dans la mort, pour les libérer du désespoir et de la ruine.

Uxoricide : je t’aime, ça me tue

A travers la planète et depuis l’aube de l’humanité, les homicides se répartissent par genre : de manière générale les hommes meurent suite à des violences interpersonnelles (guerre, conflit) ou de suicide, tandis que les femmes décèdent suite aux violences de leur proche (Cahrco 2006). Le féminicide intime concerne l’homicide réalisé au sein du couple, ou uxoricide. Bien que la racine latine uxor concerne l’épouse, au regard de l’évolution de nos sociétés, nous retenons par uxoricide la notion de meurtre du conjoint quel que soit son sexe.  

En France, plus de 200 personnes décèdent chaque année suite aux violences de leur conjoint (Milprof, 2016). La qualification d’homicide volontaire est retenue dans 96 % des cas (assassinat une fois sur quatre) (ONDRP, 2017). Ces chiffres recouvrent des réalités cliniques très différentes, que l’on peut regrouper en trois catégories :

  • Le décès survient suite à des violences conjugales. Il s’agit de la situation la plus fréquente. Les violences sont chroniques et se sont progressivement aggravées jusqu’au geste ultime (Dobash, 2012).
  • Le décès survient dans un contexte suicidaire. Le candidat au suicide planifie un uxoricide suivi de suicide dans le cadre d’un suicide élargi ou égocide (Lacambre, 2010). Bien que l’uxoricide soit consommé, le suicide avorte, il s’agit alors d’un assassinat. 
  • Le décès survient dans un contexte défensif. La victime s’est révoltée par un passage à l’acte nécessaire et proportionné à la menace mortifère qui pesait sur elle. L’agresseur est tué. La légitime défense pourra être retenue.
Des facteurs de risque sont identifiés (Campbell, 2007) tant du côté de l’auteur (antécédents de violences subies ou agies, alcool, dépression, trouble de la personnalité, présence d’une arme à feu, contexte de perte ou deuil social, affectif ou économique) que du côté de la victime (antécédents de violences subies, isolement, immaturité, grossesse).
Ainsi, une évaluation du risque uxoricidaire est possible selon les modalités d’inscription dans la relation conjugale et l’expression de la violence dans un continuum du soi (suicide) vers l’autre (homicide) (Salhin 2017).  Et comme il existe une prévention du suicide, une prévention active de l’uxoricide permettrait d’éviter en France plus d’un décès tous les trois jours.

Parricide : quand le mythe devient réalité

Le parricide se définissait dans le code pénal de 1810 comme le « meurtre des pères ou mères légitimes, naturels ou adoptifs, ou de tout autre ascendant légitime ». Ce terme désigne aussi bien le crime que son auteur et comprend le meurtre de la mère (matricide) et du père (patricide), le plus fréquent étant le patricide masculin (65 %). Sa fréquence est faible (2 à 3 % des homicides, environ 30 cas par an en France, soit 9 % des homicides intrafamiliaux) mais elle est 4 fois plus élevée chez les malades mentaux (10 fois plus pour les matricides) et un tiers des crimes commis par ces derniers sont des parricides. Les parricides sont des hommes dans 90 % des cas, âgés de 24 à 30 ans en moyenne. La littérature scientifique, relativement pauvre, s’accorde à distinguer les parricides adultes des adolescents (25 % de ces actes sont commis par des mineurs).
Les parricides adultes souffrent de schizophrénie dans 40 à 80 % des cas et de dépression dans 25 % des cas ; les facteurs de risque sont une mauvaise observance du traitement, des abus d’alcool ou de substances, des antécédents de violence personnels ou familiaux, des menaces physiques ou verbales répétées, une absence de travail, un isolement, une maladie mal acceptée par les parents. Souvent la naissance de l’idée parricide est progressive, la maladie évoluant depuis plusieurs années, avec des idées de persécution vis à vis des parents. Des éléments dépressifs et des idées suicidaires peuvent précéder le passage à l’acte et un sujet sur 2 a lutté et alerté quand est née l’idée, d’où l’importance de rechercher des idées homicidaires. L’acte est souvent non prémédité, brutal, très violent, au domicile de la victime, à l’arme blanche. Une irresponsabilité pénale est la plupart du temps prononcée, suivie d’une hospitalisation de plusieurs années ; on retrouve  des suicides ou tentatives de suicide dans 15 % des cas et la récidive homicidaire est rarissime.
Concernant les parricides adolescents (2 à 6 % des homicides par des adolescents, dont 80 % de patricides), ils sont la plupart du temps indemnes de troubles mentaux mais on retrouve des violences physiques ou sexuelles répétées par les parents dans 90 % des cas, le schéma classique étant le meurtre du père tyran pour protéger le reste de la famille.