Retour CFP 2015

Sessions thématiques du congrès 2015 :
S12 – Les éléments psychologiques du rétablissement 
dans les troubles mentaux sévères : identité, spiritualité et sens
Président : Jean-Marie DANION – Strasbourg

>S12A – Le rétablissement identitaire dans la schizophrénie : perspective au travers des récits autobiographiques de patients

Fabrice BERNA – Strasbourg
>S12B – Spiritualité et troubles mentaux sévères
Olfa MANDHOUJ – Plaisir

>S12C – Sens de la vie et troubles psychotiques
Philippe HUGUELET – Genève, Suisse

Après un essor récent mais considérable dans les pays anglo-saxons, l’accompagnement des personnes atteintes de maladies mentales sévères, selon le concept de « rétablissement », commence à faire son chemin en France. Les objectifs du rétablissement ne se limitent pas à la réduction des symptômes, ils visent à aider la personne à traverser l’épreuve de la maladie, à se reconstruire en dépit des troubles qui l’affectent.

Le rétablissement c’est dépasser le bouleversement et l’incertitude identitaires que provoque l’irruption de la maladie pour accéder, selon Davidson (1) à « une redéfinition de soi », et selon Andresen (2), à la réalisation d’une vie pleine et significative ».

Les étapes de cette reconstruction identitaire ont été schématisées par Marie Koenig (Le rétablissement dans la schizophrénie, Thèse de Doctorat Paris, 2013). Le processus aboutit, au final, à une intégration de l’expérience de la maladie au sein d’une perception de soi plus large et plus riche. Il permet au sujet de se départir d’une représentation de soi unique, comme sujet « malade » ou encore d’une représentation de soi, clivée : le soi malade versus le soi non malade.

Accéder à cette représentation de soi plus élaborée, plus fine et surtout plus apaisée est un processus qui repose sur une grande variété d’outils. La narrativité qui est un support déterminant de l’identité est considérée comme l’un d’entre eux. La narrativité, un concept inspiré par les écrits de Paul Ricoeur (Soi-même comme un autre, 1990, Seuil SA), permet à l’individu de donner du sens à un événement, et de conférer une cohérence globale à l’ensemble des dimensions et expériences qui le constituent. 

 

Comment se raconter ?

C’est à partir des souvenirs qui définissent le soi que F. Berna et son équipe ont cherché à évaluer la qualité du récit de vie chez les schizophrènes comparativement à des sujets contrôles. Les personnes étaient invitées à rapporter cinq souvenirs marquants de leur vie, dans un premier temps, sans intervention des expérimentateurs. Puis, dans un deuxième temps, deux questions leurs étaient posées : « Pourquoi s’agit-il d’un souvenir marquant ? » et « Comment expliquent-ils ce qui est arrivé aujourd’hui ? ». Les résultats montrent que deux tiers des patients schizophrènes choisissent un événement dont le thème est en rapport avec la maladie. On observe que ces derniers ont une capacité moindre à évoquer spontanément des éléments de compréhension liés à un événement marquant que celui-ci soit lié à la maladie ou pas. Cette capacité n’est pas liée à l’intelligence mais elle est, en revanche, corrélée positivement au niveau d’insight. Toutefois, après que les questions sur le sens de l’événement soient explicitement posées, les chercheurs observent une amélioration des capacités d’élaboration qui deviennent comparables à celles des sujets contrôles. Il est à signaler que l’ensemble des patients schizophrènes bénéficiait d’un suivi psychiatrique au long cours.

Ainsi, ces résultats préliminaires tendent à démontrer d’une part qu’un rétablissement identitaire est possible chez le sujet schizophrène. Mais aussi que, les techniques centrées sur le récit de vie peuvent être un élément dynamique sur lesquels l’on peut intervenir en psychothérapie. Et que enfin, cette piste de travail avec les personnes  schizophrènes est sans aucun doute sous-exploitée actuellement.