Les psychiatres sont-ils des joueurs sérieux ?

Les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) sont de plus en plus présentes dans le champ de la santé mentale, au risque peut-être d’en exclure les psychiatres si ceux-ci ne se saisissent pas rapidement de ces nouveaux outils. Petite séance de rattrapage donc au CFP pour ceux qui pensent encore que les jeux sont faits pour jouer et que les smartphones servent à téléphoner…

Points forts

  • Les maladies mentales du fait de leur fréquence, du retard habituel à leur diagnostic et d’une stigmatisation qui gêne encore l’accès au spécialiste, semblent un champ d’application particulièrement pertinent pour les NTIC à visée diagnostique et thérapeutique.
  • L’hypothèse d’une activation anormale de rétrovirus endogènes à l’occasion d’infections virales ou parasitaires pourrait conduire aux premiers traitements véritablement étiopathogéniques de la schizophrénie.
Vers une psychiatrie mobile ?

Signe évident de leur développement, les NTIC sont l’objet de nombreux symposiums et interventions au cours de ce congrès. La facilité actuelle d’accès à ces technologies ainsi que l’apparition de « jeux sérieux » visant à combiner un objectif « sérieux »  avec les ressorts ludiques du jeu vidéo, ouvrent d’intéressantes perspectives dans des champs aussi variés que les troubles neurodégénératifs (CLO1, S26, P033, P038), les troubles psychotiques (CLO1B,C,D), la dépression (S19C) ou les troubles anxieux (S26B, S36C). Si l’utilisation des NTIC en psychiatrie reste aujourd’hui encore limitée et plutôt à un stade d’évaluation et de recherche, leur facilité d’accès et d’utilisation pourrait rapidement en assurer une diffusion plus large au grand public. Il ne semble ainsi pas exclu qu’un sujet puisse bientôt trouver dans son mobile des outils allant de l’aide au diagnostic de ses troubles jusqu’à la possibilité de thérapies ciblées.

Bénéficiant elles aussi des progrès en matière de puissance de calcul, les neurosciences computationnelles cherchent à découvrir les algorithmes mis en œuvre dans notre cerveau pour traiter les informations (S28). Le modèle bayésien qui permet de déduire la probabilité d’un événement à partir de celles d’autres événements déjà évalués et de quantifier le degré de confiance attribué à une hypothèse semble un cadre théorique particulièrement pertinent pour cela. En psychiatrie ce modèle pourrait aussi être utile pour analyser les troubles de la motivation (S28A) et de la décision (S28B) ou pour comprendre l’émergence des idées délirantes dans la schizophrénie (S28C).

« je me sens pas bien »

L’innovation en psychiatrie ne vient pas que de la technologie. Le CFP est ainsi l’occasion régulière de faire le point sur l’hypothèse immuno-inflammatoire des maladies mentales. Preuve d’ailleurs des avancées dans ce domaine où les équipes françaises sont particulièrement actives, le symposium de cette année est consacré aux pistes thérapeutiques ouvertes par cette approche (S11). Si différentes classes d’anti-inflammatoires font déjà l’objet d’études dans la schizophrénie (S11A), des thérapies particulièrement innovantes utilisant des anticorps spécifiques pourraient provenir de l’hypothèse d’une activation anormale de rétrovirus endogènes (S11B).

La question des mécanismes reliant traumatismes psychiques et pathologies psychiatriques ouvre elle aussi d’intéressantes perspectives dans la compréhension de  la schizophrénie. (S4). Ainsi, alors que la littérature associe déjà les hallucinations avec les traumatismes sexuels ou physiques dans l’enfance, des données récentes présentées dans ce congrès mettent l’accent sur  le rôle des négligences infantiles. Ces négligences pourraient, par un mécanisme en cascade, être associées à la désorganisation des patients psychotiques par l’intermédiaire de modification de la densité de matière grise du cortex préfrontal dorso-latéral (S4B).

Un changement de perspectives sur le fonctionnement du cerveau peut aussi venir d’une meilleure prise en compte du milieu physiologique de celui-ci. Les interactions complexes entre le microbiote intestinal et le cerveau, par exemple, sont un champ de recherche récent mais particulièrement fécond et qui pourrait ouvrir la porte à des thérapies nouvelles (S11C). Un autre organe dont les liens avec le cerveau ont longtemps été sous-estimés est celui de l’olfaction. Considérée chez l’homme comme un sens mineur l’olfaction connaît actuellement un regain d’intérêt chez les psychiatres et les neurologues (S15). La détection des troubles olfactifs, qui semblent être à la fois fréquents et d’apparition précoce dans les troubles neurodégénératifs, pourrait ainsi aider au diagnostic précoce ou différentiel de ces maladies (S15B). Le lien très étroit entre l’olfaction et les émotions permet par ailleurs d’imaginer que les odeurs puissent constituer un jour une voie nouvelle pour des traitements non médicamenteux de différents troubles émotionnels ou thymiques (S15C).