Points forts
Le fonctionnement du cerveau est le résultat d’interactions complexes et surtout réciproques avec les autres systèmes qui régissent notre identité et nos relations avec notre environnement.

Comprendre l’action d’un traitement consiste probablement à comprendre comment son introduction dans l’organisme vient modifier l’équilibre préalable entre différents systèmes fonctionnels du cerveau, tous interdépendants les uns des autres, et dont certains, peut-être, sont dysfonctionnels.

L’étude des mouvements oculaires, en nous donnant à voir ce que le patient regarde, ouvre une fenêtre sur le monde intérieur de celui-ci et sur ses difficultés à interagir avec son environnement.

Si le cerveau reste au cœur de la recherche en psychiatrie, il apparait de plus en plus difficile d’étudier celui-ci comme s’il fonctionnait en vase clos. Ainsi, parmi les recherches les plus innovantes présentées lors de ce 8ème CFP, la plupart mettent finalement plus l’accent sur des causes ou des mécanismes susceptibles d’influencer ou de perturber l’activité du cerveau que sur un dysfonctionnement primaire de celui-ci.

Responsable mais pas coupable ?

Loin de l’image habituelle d’un centre de commande imposant ses décisions au reste du corps, le cerveau apparaît de plus en plus soumis à des contraintes et des interférences multiples, que celles-ci soient liées à la génétique, à son environnement ou à son histoire. La meilleure illustration de ce phénomène est probablement la place croissante prise dans les réactions immuno-inflammatoires dans les hypothèses actuelles sur la physiopathologie des maladies mentales. Le CFP sera l’occasion de faire le point sur ce domaine où les connaissances évoluent très vite (C01). L’intérêt récent pour les interactions entre le microbiote intestinal et le cerveau est une autre illustration de ce changement de perspective qui fait du cerveau un organe sous influence (SS07).

Les traitements sont aussi une façon d’influencer le fonctionnement du cerveau. L’imagerie permet ainsi de mettre en évidence qu’au-delà des effets chimiques des antipsychotiques sur leurs récepteurs cibles ces médicaments entrainaient des modifications cérébrales fonctionnelles et même anatomiques (S26). La stimulation cérébrale profonde ne s’intéresse pas elle à des cibles chimiques mais à de petites structures anatomiques particulières qu’elle vient stimuler ou inhiber (FA19). Dans les deux cas cependant ce ne sont pas forcément les cibles qui sont considérées comme dysfonctionnelles. Mais en agissant à leur niveau le traitement vient moduler l’activité de réseaux neuronaux, de systèmes fonctionnels émotionnels et comportementaux considérés eux comme responsables de certains des symptômes du patient.

Biographie et Biomarqueurs

La génétique ne fonctionne pas non plus en vase clos et l’épigénétique qui étudie l’influence de facteurs environnementaux sur l’expression du génome semble une approche particulièrement pertinente en psychiatrie (S01). En identifiant les interactions entre le génome et des facteurs tels que les évènements de vie, le stress, la consommation de toxiques (ou d’ailleurs de psychotropes) elle commence à apporter des éléments de compréhension sur les mécanismes de vulnérabilité mais aussi de protection des patients dans des maladies comme la dépression (S01A, S36), la schizophrénie (S01B) ou les troubles des conduites alimentaires (S01C). Certaines modifications épigénétiques semblent en outre pouvoir constituer des biomarqueurs de diagnostic ou de pronostic (S01-BC).

La recherche de biomarqueurs est d’ailleurs clairement un enjeu stratégique pour les prochaines années et plusieurs sessions sont consacrées à ce sujet (S36, SS01). La prédiction de la réponse au traitement pourrait en particulier s’appuyer sur le génotypage des principales enzymes impliquées dans le métabolisme des médicaments. Mais là encore le génotype n’est pas forcément toujours le reflet du fonctionnement réel de ces enzymes. Des études phénotypiques, tenant compte à la fois de la génétique mais également des facteurs environnementaux d’un patient à un moment donné (tabac, interactions médicamenteuses…), pourrait servir à individualiser plus efficacement les prescriptions (S36-B).

L’œil comme fenêtre sur le regard

L’étude des mouvements oculaires (eye-tracking) permet de mettre en évidence les stratégies d’exploration visuelle d’un individu et donc d’appréhender certaines caractéristiques de sa perception et de sa sélection des informations visuelles. En objectivant ce que le patient regarde, cette technique apparaît particulièrement intéressante dans les troubles du spectre autistique (S08-A)(S18) ou la schizophrénie (S08-BC). En plus de nous renseigner sur les dysfonctions cérébrales en cause, elle permet de mieux comprendre les difficultés que rencontrent ces patients dans leurs interactions sociales et les stratégies qu’ils mettent en place pour y faire face.

Mais finalement le regard le plus mystérieux dans le domaine de la psychiatrie est peut-être celui que les psychiatres eux-mêmes portent sur l’évolution de leur savoir. Entre indifférence et rejet, le scepticisme poli de la plupart d’entre eux sur l’idée même de progrès dans leur spécialité devient en soi un sujet d’interrogation (C04). Le niveau de complexité des hypothèses actuelles où s’intriquent des niveaux multiples d’interactions entre des systèmes fonctionnels par ailleurs largement ouverts à l’histoire du sujet devrait en tout cas permettre aux recherches présentées au CFP d’éviter la critique d’un réductionnisme abusif.