S16 : Schizophrénie et violence : données actuelles et controverses
>S16A – Schizophrénie et violence : la nécessité de considérer différents sous-groupes.
Mathilde HORN, Lille
>S16B – Schizophrénie et violence : rôle de l’impulsivité, étude en imagerie fonctionnelle.
Alexandre DUMAIS, Montréal, Québec, Canada
>S16C – Le cerveau à la barre : apport des nouvelles technologies dans l’expertise psychiatrique.
Samuel LEISTEDT, Tournai

Les points forts

  • Les troubles de la familiarité sont sous-estimés chez les patients schizophrènes lors des passages à l’acte violent.
  • Les troubles de la régulation des émotions pourraient être prédictifs de violence chez les patients schizophrènes.
  • Le cerveau des psychopathes est différent de celui des sujets non psychopathes.

Le risque de violence chez les patients schizophrènes est plus élevé qu’en population générale, mais de façon modeste. Il est lié, pour une bonne part, aux comorbidités addictives, comme l’a montré une méta-analyse récente (1). Outre la consommation d’alcool et de drogues, les principaux facteurs de risque de violence chez les patients schizophrènes sont les troubles de personnalité antisociale associés, certains symptômes psychotiques et l’impulsivité. Une approche thérapeutique optimale doit intégrer le traitement des troubles de personnalité et de l’abus de substances associés.

Violence dans la schizophrénie : une typologie fondée sur la familiarité ?

Les comportements agressifs rencontrés chez les patients schizophrènes sont très hétérogènes. Ils peuvent être regroupés dans deux grandes catégories : les comportements agressifs répétés, souvent associés à des troubles de personnalité antisociale comorbides, ou des gestes violents graves au cours d’une décompensation aiguë, liés à la symptomatologie psychotique.
 
Mathilde Horn et al. (CHRU Lille) ont proposé une lecture de la violence à travers le concept de familiarité. Des troubles de la familiarité sont en effet fréquents dans les délires d’identification, souvent rencontrés dans les situations de violence. Le syndrome de Capgras, ou les patients ont l’impression qu’un ou des proche(s) sont remplacé(s) par des doubles ou des « sosies », peut correspondre à une hypofamiliarité (les patients reconnaissent un objet sans le sentiment de familiarité). Le syndrome de Fregoli, ou les patients ont l’impression de reconnaître un inconnu comme une personne familière peut correspondre à une hyperfamiliarité.
 
Cette équipe a retrouvé 71 % de troubles de la familiarité dans une étude préliminaire sur 24 patients schizophrènes en population carcérale (2). Ils ont conclu sur l’intérêt d’identifier les troubles de la familiarité qui sont sous-estimés chez les détenus souffrant de schizophrénie. Une typologie des situations axée sur ce concept pourrait être esquissée dans cette population.
 
Bases neurocognitives des comportements violents dans la schizophrénie
 
Alexandre Dumais et al. (Montréal) ont souligné l’importance d’identifier les facteurs de risque prédictifs de violence chez les patients souffrant de schizophrénie. L’augmentation du risque de violence dans cette population est lié à l’interaction de plusieurs facteurs, notamment l’impulsivité, les antécédents de violence, l’abus de substances, l’existence de déficits et dysrégulations émotionnelles en particulier de la colère, etc. Peu d’études ont examiné les corrélats neurobiologiques de l’interaction de ces facteurs.
 
Ils ont réalisé une première étude d’imagerie en IRM lors de tâches de traitement des émotions, comparant un groupe de patients schizophrènes avec caractéristiques antisociales, un groupe de patients sans caractéristiques antisociales et un groupe de sujets témoins. Ils ont retrouvé des problèmes de régulation émotionnelle chez les sujets violents, associés à une activation plus importante des cortex cingulaires antérieurs (3).
 
Dans une deuxième étude évaluant l’impulsivité, l’inhibition de la réponse et la prise de risques notamment à l’aide de tâches d’inhibition go-no go et du Balloon Analog Risk Task, ils ont retrouvé chez les patients schizophrènes violents une association entre sensibilité accrue à la violence et une hyperactivation au niveau du striatum et du putamen.
 
Les nouvelles technologies d’imagerie peuvent-elles avoir un rôle dans l’expertise psychiatrique ?
 
Pour Samuel Leistedt (Tournai), nous sommes aux balbutiements de l’usage des techniques d’imagerie cérébrale dans l’expertise psychiatrique. Il a discuté plusieurs exemples d’expertises ou la pertinence de l’imagerie cérébrale était questionnée, principalement aux Etats-Unis.
 
Dans une première affaire, l’affaire Charles Whitman, le sujet, chez qui un changement de personnalité avait été observé, a abattu dix personnes dont son épouse. Une tumeur étendue au niveau du système limbique a été retrouvée à l’autopsie. Cependant, les juges n’ont pas reconnu de rôle de la tumeur dans le passage à l’acte.
 
Dans une deuxième affaire, l’affaire Weinstein, le sujet, âgé de 65 ans était poursuivi pour avoir étranglé son épouse, meurtre qu’il avait maquillé en suicide. Une tumeur volumineuse, étendue au système limbique, de type astrocytome, a été retrouvée. Le sujet a été reconnu responsable des faits par la justice qui n’a pas reconnu d’influence de la tumeur dans le passage à l’acte.
 
Dans une troisième affaire, l’affaire Yates, le sujet, présentant des antécédents de trouble dépressif majeur récurrent était poursuivi pour avoir noyé ses cinq enfants. L’imagerie cérébrale était normale. Le sujet a été reconnu responsable, mais irresponsable en appel.
 
Dans ces affaires, les actes graves sont survenus dans un contexte bien défini. Dans d’autres affaires concernant des prédateurs sexuels, notamment les affaires Bundy et Fourniret, les sujets poursuivis étaient caractérisés par un fonctionnement psychopathique, avec des problèmes sévères de froideur émotionnelle et de dysfonctionnement relationnel. Ces sujets présentent des déficits de reconnaissance des émotions, corrélés en imagerie cérébrale à des modifications des amygdales (« amygdales gelées ») et un cortex préfrontal plus mince, cette dernière anomalie n’étant pas spécifique. L’auteur a souligné que dans la psychopathie, les anomalies neurobiologiques étaient en réalité, moins un problème de structure qu’un problème d’interactions entre structures cérébrales, tout particulièrement entre amygdale et cortex préfrontal. Il a conclu sur l’intérêt du concept de neurobiologie du libre arbitre.