Symposium : Le sommeil et les rythmes biologiques sont-ils des marqueurs prédictifs des épisodes dépressifs, des conduites suicidaires et des réponses thérapeutiques dans le trouble dépressif caractérisé ?
Président : Pierre Alexis GEOFFROY – Paris

Nous passons plus d’un tiers de notre temps à dormir. Pour certains jugé comme une perte de temps, le sommeil demeure pour d’autres un mystère. Et si les auteurs romantiques le perçoivent comme « le plus secret de nos actes », ou encore un « amour perdu », il peut être aussi estimé comme « la meilleure des méditations » si l’on en croit les effets sur notre santé. Ainsi, un sommeil insuffisant est corrélé à un plus petit volume de matière grise, les nuits de moins de six heures augmentent les risques de diabète de type 2 de 28% et manquer de sommeil multiplie par quatre le risque d’attraper un rhume. De quoi pousser la chansonnette « le sommeil c’est la santé… ».

Le sommeil permettrait à l’organisme de récupérer, que ce soit sur le plan physique ou mental. En effet, de nombreuses recherches suggèrent que les troubles du sommeil peuvent être associés à un risque élevé d’idées suicidaires, de tentatives de suicide et de décès par suicide. Les troubles du sommeil ont ainsi été classés parmi les 10 principaux signes avant-coureurs du suicide (SAMHSA, 2005). De plus, les paramètres du sommeil mesurés par EEG sembleraient prédire une réponse rapide au traitement antidépresseur (Duncan et al., 2013). Les phases de sommeil NREM (sommeil à ondes lentes sans mouvement oculaire rapide) et WASO (durée d’éveil intra-sommeil) paraitraient ainsi les plus perturbées.

Rattrapez le temps perdu ?

Cela semble possible puisque les troubles du sommeil, tels que l’insomnie, sont des facteurs de risque modifiables des comportements suicidaires et seraient ainsi une cible thérapeutique d’intérêt pour la prévention du suicide. A ce jour la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et la pharmacothérapie (agonistes des récepteurs des benzodiazépines) sont les seuls traitements pour lesquels on dispose de preuves suffisantes d’efficacité. La pharmacothérapie semblerait entrainer une réponse rapide mais peu durable tandis que les effets de la TCC prendraient plus de temps mais dureraient plus longtemps.
Leur utilisation combinée est questionnée et serait surtout dépendante du patient et de la persistance de l’insomnie.
En marge de ces techniques dont l’efficacité a été démontré d’autres outils innovants émergent. Parmi eux un casque de Réalité Virtuelle intégrant un EEG conçu par la collaboration entre artistes et chercheurs. En fonction des ondes cérébrales, le programme est ainsi élaboré pour délivrer automatiquement des formes et couleurs différenciées et en réponse avec l’activité cérébrale du patient. Reste à savoir si la beauté artistique générée suffit pour lutter contre les insomnies…
À l’échelle mondiale, le suicide représente actuellement près d’un million de décès par an et environ une vie perdue toutes les 40 secondes (Krug et al., 2002). Aussi, et étant donné que les troubles du sommeil sont visibles dans les semaines et les mois précédant le décès par suicide (Goldstein et al., 2008), et que des traitements ont déjà montré leur efficacité, nous pourrions nous poser la question :
Est-ce qu’un tiers de notre temps pourrait modifier les quarante prochaines secondes de la vie ?
Vous pouvez-vous rendormir.